
Depuis le début du conflit en Ukraine, la plupart des entreprises occidentales actives dans le secteur de l’armement voient les commandes affluer et leur valeur en bourse grimper, notamment aux États-Unis et en Allemagne. Outre l’intense demande en équipement provenant de Kiev, les États européens se réarment (ou du moins déclarent vouloir le faire…), faisant bondir la demande.
Pourtant, il est un pays pour lequel « l’opération militaire spéciale » n’a pas forcément constitué une bonne nouvelle en ce qui concerne les exportations d’armes : la Suisse. En effet, le Conseil fédéral a tenu mordicus à appliquer une définition très stricte de la neutralité, empêchant certaines nations européennes, comme l’Allemagne ou le Danemark, d’envoyer des équipements, acquis il y a parfois des décennies, en Ukraine.
Dans ce cadre, le Danemark a annoncé ne plus vouloir acheter d’équipement militaire en provenance de la Confédération tandis que l’industriel allemand Rheinmetall, propriétaire de Oerlikon, a investi dans la plupart de ses usines, sauf en Suisse. Cela, sans compter le dégât d’image à l’étranger.
Dans ce cadre, nombreux sont ceux à s’inquiéter pour la survie de l’industrie helvétique de l’armement. En effet, comment vendre son matériel si les acquéreurs ne peuvent les utiliser comme bon leur semble ? Si cette clause était évidemment connue de longue date, il était certainement difficile d’imaginer l’invasion de l’Ukraine par la Russie lorsque les contrats ont été signés, entre la fin des années 1990 et le milieu des années 2000 pour les Piranhas danois, par exemple.
Mais quelques éléments ont récemment pu rassurer un peu les différents acteurs de la sécurité suisse. Durant la session venant de se terminer, le Parlement a en effet décidé d’assouplir un peu les conditions d’exportations pour les armes… mais un peu seulement. Il a en effet décidé de laisser au Conseil fédéral le droit d’accorder quelques exemptions, dans « des circonstances exceptionnelles » et si «la sauvegarde des intérêts du pays » l’exige. Autant dire que ce ne sont pas là de très importants marchés pour la Suisse. Ironie de l’histoire, c’est justement à cause de ce point que la gauche avait menacé de lancer un referendum en 2021. Il est d’ailleurs possible qu’une votation se tiennent sur cette modification. Autre ironie, on constate que l’UDC est d’accord que des armes soient livrées plus ou moins au monde entier, tant que ce n’est pas l’Ukraine. Autant dire qu’entre les tenants d’une neutralité dure mais à géométrie variable et les antimilitaristes, le Conseil fédéral marche sur une très étroite ligne de crête concernant la législation sur les exportations d’armes.
Autre bonne nouvelle, l’Autriche a annoncé il y a une dizaine de jours vouloir moderniser ses systèmes antiaériens Skyguard (canons antiaériens Oerlikon de 35 mm). Il s’agit d’une commande de 532 millions d’euros et qui sera traitée entre 2024 et 2026. Il est question de moderniser les sept unités de quatre canons jumelés, ainsi que l’acquisition de capteurs associés, de pièces de rechange et de munitions. C’est le site de Zürich qui se chargera de répondre à cette commande. Cette modernisation s’inscrit dans le mouvement de modernisation des forces armées fédérales autrichiennes. L’on espère d’ailleurs observer le même type d’investissement en Suisse. Le budget du DDPS promet d’augmenter significativement lui aussi et il serait douteux qu’il ne serve pas à préserver l’industrie nationale de défense.
Quoi qu’il en soit, ces modestes bonnes nouvelles ne doivent pas faire oublier que le conflit ukrainien a placé la Suisse dans une position très délicate, elle qui doit naviguer entre sa neutralité, ses intérêts économiques et ses considérations de politique intérieure comme extérieure. Les mois qui viennent seront donc déterminants pour les sites helvétiques de GLDS, Rheinmetall, RUAG, SIG et autres B&T.
Sources :
https://www.letemps.ch/economie/faute-munitions-suisses-lukraine-lallemagne-va-fabriquer