Des gros efforts sont nécessaires pour (re)faire de RUAG MRO un partenaire fiable de l’armée

Tout comme le DDPS, RUAG a été très fortement secoué par les scandales et les polémiques ces dernières années. En effet, entre la scission de cette entreprise en plusieurs entités, dont RUAG MRO, prestataire de services pour l’armée suisse, la succession des cadres à sa tête, les affaires de piratage, les chars vendus à double et autres scandales, la compagnie aux mains de la Confédération n’a cessé de faire parler d’elle.

En début d’année, une affaire de corruption de longue haleine aurait été mise au jour, un cadre ayant apparemment profité des largesses des contrôles pour vendre à très bas prix des pièces de chars de combat qui valaient en réalité bien plus. Or, l’acquéreur était une entreprise dont l’une des co-propriétaires n’était autre que… la femme de l’employé de RUAG incriminé !

C’est ainsi que le Contrôle fédéral des finances (CDF) s’est penché sur la gestion de cette compagnie, et y a largement trouvé à redire en février dernier.

Ainsi, l’organe de contrôle a constaté que la division de RUAG en plusieurs entités avait créé des manques dans le pilotage de celles-ci, sans oublier les difficultés de communication avec le conseil d’administration en raison d’un manque de transparence et d’un manque de sens critique. Ces failles sont notamment dues à l’importante rotation des cadres dans l’entreprise, puisque cinq CEO et trois CFO se sont succédé en quantre ans… Et cela sans que le sortant informe son successeur de toutes les affaires en cours.

En outre, des procès-verbaux faisant état des décisions prises n’étaient plus établis depuis début 2021. Le conseil d’administration jugeait également son action bien trop positivement, notamment au travers du rapport annuel qu’il remet au Conseil fédéral. La gestion des stocks aussi était pour le moins défaillante, RUAG MRO ou la Base logistique de l’armée ne sachant pas véritablement ce qui se trouve où, en quelle quantité et pour combien de temps. L’entreprise ne connaîtrait d’ailleurs même pas l’entier de la liste de clients de sa filiale allemande.

Enfin, il faudra remettre de l’ordre dans les acquisitions quelque peu douteuses effectuées par RUAG ces dernières années, comme ces 96 chars Leopard I acquis en Italie en 2016. L’on pouvait en effet se questionner sur la pertinence de cet achat dès le départ, puisqu’il ne pouvait y avoir de demande pour ces chars qu’en cas de conflit. Or, dans pareilles circonstances, la Suisse aurait eu toutes les peines du monde à les vendre aux principaux intéressés, du fait de ses lois restrictives concernant les exportations de matériel de guerre. Et c’est bien ce qui s’est passé. Le Conseil fédéral a accepté fin mai que 71 de ces blindés soient cédés à une entreprise allemande, sous conditions qu’ils ne soient pas expédiés en Ukraine. Les 25 exemplaires restants font encore l’objet d’un litige, puisque RUAG s’était apparemment engagé à les vendre à deux clients simultanément…

Ce n’est donc rien de dire que le nouveau président du conseil d’administration de RUAG depuis janvier, Jürg Rötheli, a du pain sur la planche pour remettre cette entreprise sur de bons rails. Le Conseil fédéral s’en est rendu compte, lui qui a augmenté son temps de travail de 35 à 50% afin de faire face au surplus de travail.

Le règlement de ces problèmes est primordial pour l’armée, car elle assure la maintenance de bon nombre de systèmes principaux. La défaillance de ceux-ci peut donc avoir d’importantes répercussions sur nos capacités de défense. En outre, une gestion inefficace de ses affaires entraîne le gaspillage des maigres moyens financiers alloués à l’armée. Et cette dernière ne peut pas se le permettre.