La nouvelle donne stratégique se fait déjà ressentir en Suisse

L'Assemblée fédérale, ©Services du Parlement / Rob Lewis

Comme nous l’avancions jeudi déjà, la guerre en cours à l’est a déjà des conséquences politiques extrêmement tangibles en Europe.

Ainsi, l’Allemagne a renversé la table pour ce qui est de ses politiques étrangère et militaire. Olaf Scholz a en effet annoncé que son gouvernement allait livrer des armes à l’Ukraine, en rupture totale avec ses pratiques post Seconde Guerre mondiale. Dans le même ordre d’idée, le chancelier a déclaré que le budget de la Bundeswehr allait être porté à plus de 2% du PIB, et qu’un crédit spécial de 100 milliards dédié au réarmement de l’Allemagne allait être voté. Alfons Mais, commandant allemand de l’armée de terre, n’aura donc pas twitté en vain jeudi matin, son appel du pied ayant visiblement été entendu.

Évidemment, cette nouvelle ne concerne pas uniquement l’Allemagne, mais bien l’Europe tout entière, puisque l’Allemagne est d’ores et déjà le roi incontesté de l’économie du Vieux Continent. Dès lors, une telle croissance du budget, si elle se réalise, forcera les autres nations à suivre le mouvement, par solidarité, par crainte similaire envers la Russie, mais aussi pour éviter un déséquilibre trop important sur le continent.

En Suisse, des voix s’élèvent déjà pour suivre ce mouvement, dans une mesure moindre cela dit. En effet, l’UDC et le PLR ont demandé, en ouverture de la session parlementaire de printemps, que le budget de l’armée suisse atteigne dorénavant le 1% du PIB du pays, soit 7 milliards de francs, contre 0.8% et 5.6 milliards aujourd’hui. En sus de cela, 20 000 hommes supplémentaires sont réclamés. Si l’idée d’augmenter le budget est en effet séduisante, l’augmentation des effectifs ne paraît guère réaliste. En effet, il est déjà difficile de compléter les effectifs actuels. Nous ne voyons donc pas comment disposer des recrues supplémentaires, quand bien même un nombre plus élevé de personnes seraient motivées à effectuer le service militaire.

À gauche, on ne partage évidemment pas ces vues, préférant mettre l’accent sur la diplomatie. Le centre quant à lui souhaite ne pas réagir à chaud. Quoi qu’il en soit, le parti socialiste, par la voix de la socialiste Franciska Roth (SO), membre de la commission de politique de sécurité a fait savoir dans les colonnes du Nebelspalter que « Nous nous sommes trompés lorsque nous avons affirmé que les attaques territoriales n’étaient pas un scénario réaliste. La réalité est malheureusement différente ». Si nous regrettons bien évidemment qu’il ait fallu attendre qu’une guerre de haute intensité survienne pour que l’évident soit compris, il faut tout de même souligner que le parti socialiste a rapidement concédé son tort. En revanche, il continuera de se battre contre le F-35, notamment au travers de la récolte de signatures pour l’initiative visant à instaurer un moratoire dans le domaine des avions de combat. Quoi qu’il en soit, l’opinion publique aura certainement changé quant à son opinion par rapport à l’armée suisse.

Dans les mois et années à venir, il s’agira désormais de voir non pas si la guerre en Ukraine aura une influence sur notre politique de sécurité, mais dans quelle mesure.

Sources :

https://www.nebelspalter.ch/sp-macht-kehrtwende-bei-der-armee-%C2%ABwir-haben-uns-getaeuscht%C2%BB

https://www.meta-defense.fr/2022/02/28/premiers-enseignements-de-la-guerre-russo-ukrainienne/

https://www.rts.ch/info/monde/12900781-claudia-major-il-faut-se-preparer-a-un-avenir-ou-leurope-doit-se-positionner-contre-la-russie.html

https://www.24heures.ch/la-suisse-est-face-a-la-tentation-dun-rearmement-massif-157410068900?

https://www.oryxspioenkop.com/2022/02/attack-on-europe-documenting-equipment.html