
La guerre en Ukraine dure depuis bientôt un mois. Un mois durant lequel nous sommes restés suspendus aux nouvelles nous parvenant de tous les côtés : le Kremlin, Kiev, Bruxelles, Berne, etc. S’il paraît clair aujourd’hui que l’opération militaire lancée par la Russie n’a pas réussi à atteindre ses objectifs et est donc bien plus longue qu’escomptée, elle a d’ores et déjà des conséquences bien tangibles sur la politique mondiale, et ce dans de nombreux domaines.
Pour ce qui est des questions de sécurité, il apparaît que nos analyses initiales ne se sont pas démenties. L’Europe va se réarmer rapidement. Et la Suisse dans tout cela ? Assumera-t-elle elle-même sa sécurité, via une augmentation du budget de la défense, ou déléguera-t-elle cette tâche à ses voisins ? En effet, il paraît évident aujourd’hui que si la Suisse ne fournit pas un effort suffisant à l’endroit de ses capacités de défense. Si rien n’est fait rapidement, les relations avec nos voisins pourraient s’en ressentir, tant ceux-ci pourraient estimer que la Suisse profite encore une fois de sa situation géographique et politique pour se soustraire à ses obligations.
Dans ce cadre, la commission de politique de sécurité du Conseil national a décidé, par 13 voix contre 9, de déposer une motion auprès du Conseil fédéral pour faire passer les dépenses militaires de 0.8 à 1% du PIB, soit de 5 à 7 milliards, et ce de manière progressive dès 2023 avec une échéance à 2030.
Il est aujourd’hui évident, et différents experts s’en émeuvent dans la presse, que l’armée suisse n’a plus guère aujourd’hui les capacités de faire face à un conflit, même limité. La diminution du budget alloué à notre outil de défense, bien que justifiée à la fin de la Guerre froide, a sans doute été trop importante, et ce sur une longue durée, entamant de manière pérenne les capacités de notre armée. Le rapport sur l’avenir des Forces terrestres était d’ailleurs imprégné de cette donnée. Il prônait en effet de disposer d’une armée apte à supporter un « conflit hybride », non parce que ceux-ci étaient jugés comme plus probables, mais parce que le budget ne permettait tout simplement pas d’envisager plus que cela. Ainsi, seule une partie des moyens lourds de l’armée devait être remplacée durant cette décennie. C’est qu’entre le nombre des systèmes à renouveler, la concurrence budgétaire avec les forces aériennes et la petitesse du budget, il fallait bien évidemment faire des choix !
Une partie de la commission s’est opposée à cette augmentation, qu’elle souhaiterait être débattue dans un cadre plus large, et en ayant dans les mains le complément au rapport sur la politique de sécurité 2021 promis par le DDPS, le conflit en Ukraine ayant bien évidemment des conséquences sur ce document.
Nous le voyons, les questions de sécurité reviennent, d’une manière bien malheureuse il est vrai, sur le devant de la scène. D’après un récent sondage Tamedia, les Suisses n’auraient malgré tout pas fondamentalement changé d’avis au sujet de leurs forces armées, puisque 41% d’entre eux jugent une augmentation du budget inutile, 8% aimeraient même réduire son budget et 45% seraient pour une augmentation de celui-ci. Le référendum financier n’existe pas dans notre pays, mais l’opinion publique est bien évidemment un facteur important à prendre en compte. Il s’agira donc de voir comment les pouvoirs législatifs et exécutifs fédéraux géreront cette question, devenue en quelques jours relativement centrale.
Sources :
https://www.24heures.ch/avec-nos-moyens-actuels-ce-serait-la-fin-en-quelques-semaines-823625894039
https://www.24heures.ch/les-suisses-ne-sont-pas-prets-a-rearmer-fortement-le-pays-154097467764
https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20223367
https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/56948.pdf