
Il n’est rien de dire que depuis le début de la guerre en Ukraine, les forces armées d’Europe semblent inquiètes. En effet, après 25 ans de déflation de leurs budgets et de leurs effectifs, preuve a été apportée qu’elles n’étaient absolument plus taillées pour un conflit de haute intensité. Il en va de même pour l’industrie de défense. Si cela n’a guère surpris les amateurs de la chose militaire, les politiques et le grand public ont parfois été largement surpris par cet état de fait.
Ainsi, nous avons dernièrement pu entendre le ministre de la défense suédois déclarer que le risque que son pays soit prochainement entraîné dans une guerre n’était de loin pas faible. Dans le même ordre d’idée, le général Sir Patrick Sanders, le chef de la British Army, a déclaré que son pays devait se préparer au conflit. Depuis quelques semaines, les propos de calibre similaire s’enchaînent partout en Europe, du ministre allemand de la défense au Chef d’état-major des armées français. Un discours qui semble donc relativement coordonné, tant sur le fonds que sur le calendrier. Les sondages donnant Donald Trump, personnage peu partisan de faire assumer la défense européenne à son pays, sont peut-être aussi la cause de ce battage médiatique. Pour contrebalancer ces déclarations, certains experts tâchent néanmoins de nuancer la situation, avançant que la Russie a déjà passablement de peine à avancer en Ukraine et ne serait donc guère en mesure de menacer le reste du continent.
Quoi qu’il en soit, en Suisse aussi, nous avons pu observer un certain nombre de déclarations similaires. Thomas Süssli, chef de l’armée suisse, a ainsi indiqué quelques semaines après le début du conflit russo-ukrainien que notre armée ne pourrait soutenir un engagement soutenu et de longue durée. Si les organes politiques semblent avoir pris la mesure des déficits qui touchent notre armée, notamment en demandant que les dépenses militaires soient portées à 1% du PIB d’ici 2030 (tandis que le Conseil fédéral table sur 2035), en commandant un complément au Rapport sur la sécurité 2021 et en faisant publier un rapport intermédiaire tâchant d’expliquer les nouvelles orientations de l’armée (et sur lequel nous reviendrons), il semble tout de même y avoir une certaine fébrilité au sein du DDPS.
Ainsi, le département de la défense vient d’annoncer qu’il allait tout simplement annuler ses manifestations AirSpirit 24 et DEFENSE 25. La première, qui tablait sur un afflux de 80 000 visiteurs, aurait dû se dérouler fin août à l’aérodrome d’Emmen et mettre en lumière les capacités des Forces aériennes. La seconde était prévue à Bière et avait pour objectif de présenter les Forces terrestres. Dans la foulée, il a été annoncé également que d’autres manifestations prévues ces deux prochaines années ne verraient pas le jour. La raison de ces annulations ? Le DDPS évoque laconiquement « une situation financière tendue ».
Ceci peut sembler curieux au vu de l’implication budgétaire réduite de ces engagements. Cela l’est d’autant plus que l’armée doit faire face à d’importants défis de recrutement, pour lesquels une communication ambitieuse n’est certainement pas de trop.
On peut en déduire que l’armée a souhaité envoyer un message très clair par le biais de cette décision : le temps des dividendes de la paix est fini et le DDPS n’a tout simplement plus le loisir de dépenser son budget, par ailleurs trop faible, dans des activités accessoires.
S’il paraît évident que l’armée pourrait facilement trouver d’autres sources d’économie, par ailleurs plus pertinentes, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit là d’un énième signe du durcissement très rapide de la situation géopolitique européenne. Les mutations qu’il engendre n’ont pas fini de se faire ressentir et nous auront à cœur d’essayer de vous les retranscrire ici.
Sources :
https://www.tdg.ch/avec-nos-moyens-actuels-ce-serait-la-fin-en-quelques-semaines-823625894039