
Depuis que Mme Amherd est en poste, et plus encore depuis le début de la guerre en Ukraine, les initiatives visant à rapprocher la Suisse de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord et ses différents adhérents s’enchaînent.
En effet, et comme nous le soulignions déjà en février dernier, le Conseil fédéral a publié un rapport dans lequel il indique clairement sa volonté de multiplier les exercices effectués dans le cadre de l’alliance. Il n’a depuis pas fait mine de vouloir freiner dans cette direction, bien au contraire !
Dans ce cadre, il y a un peu plus d’un mois de cela, le gouvernement a annoncé vouloir adhérer au State Partnership Program (SPP) de la Garde nationale américaine. Initialement conçu pour aider les anciennes républiques du Pacte de Varsovie à mettre sur pied des forces de défense (et si possible sur le modèle occidental), il a depuis été passablement intégré au Partenariat pour la paix de l’OTAN et vise à faciliter la coopération autant civile que militaire entre états. Les activités du SPP vont de l’aide en cas de catastrophe au développement de la formation des sous-officiers en passant par la sécurité économique, autant dire un très large panel de domaines. L’Autriche, également neutre, l’a également intégré, en 2021 déjà, tandis que 106 nations au total en font partie à ce jour.
Dans le même élan, le Conseil fédéral a annoncé avoir approuvé la déclaration d’adhésion à l’initiative European Sky Shield (ESSI) le 10 avril dernier. Lancée en 2022 par l’Allemagne, celle-ci vise à renforcer la coopération en matière de lutte anti-aérienne et antibalistique en Europe, notamment en uniformisant les systèmes mis en œuvre, et en mettant en communs les informations liées à la surveillance du ciel. La Suisse entend essentiellement coordonner ses projets d’acquisition avec ses voisins, mais aussi rationaliser l’instruction et les aspects logistiques. La Suisse effectue là aussi une manœuvre similaire à son voisin neutre autrichien, tandis que 11 nations y participent déjà officiellement et ce chiffre devrait rapidement doubler.
Si cette initiative allemande peut entraîner des économies d’échelle lors d’acquisition de systèmes anti-aérien, il semblerait surtout que ce soit un moyen pour Berlin de prendre la main sur ce secteur industriel, notamment au travers du duo Diehl et Rheinmetall, avec respectivement l’IRIS-T SLM et le Skyranger 30. L’adhésion de la Suisse à l’ESSI ne peut donc être que les prémices de l’acquisition de ces deux systèmes. Cela n’interviendra cependant pas avant une dizaine d’années, la liste des acquisitions devant être effectuées avant celle-ci étant déjà passablement longue, tandis que le budget ne suit de loin pas les besoins.
Quoi qu’il en soit, l’on voit bien comment, sur les 4 premiers mois de 2024, la Suisse fait des pas rapides et importants en direction d’une plus grande interopérabilité et coopération avec les forces de l’OTAN. Si le gouvernement déclare ne pas vouloir intégrer l’alliance, tout est mis en place pour ce faire et l’on se doute qu’il ne restera bientôt plus aucune entrave à cela, sinon politique. Est-ce la bonne chose à faire ? L’on est plus que mitigé devant ce rapprochement à marche forcée et cela sans que le Parlement ni la population n’aient réellement pu se prononcer sur la question. L’on comprend bien que les possibilités d’entraînement sont quelque peu limitées en Suisse, mais cet aspect doit-il entraîner toute la diplomatie helvétique à s’aligner sur les standards européens et américains ? L’avenir nous le dira certainement bien assez tôt ! Il semblerait toutefois préférable, dans un premier temps, de mettre en place des entrainements et coopération de manière bilatérale plutôt qu’au travers de grandes organisations, de manière à laisser une plus grande marge de manœuvre sur la scène internationale. Peut-être que l’exercice qui se tiendra au printemps 2025 en Autriche constituerait un modèle à suivre.
Sources :
https://www.vbs.admin.ch/fr/nsb?id=100650
https://www.vbs.admin.ch/fr/nsb?id=100416
KÜMMERLING, Pascal, « La Suisse va rejoindre le bouclier européen », in Revue Militaire Suisse, N° thématique 2 aviation – Ukraine, 2023, pp. 26-47.
https://meta-defense.fr/2024/04/18/essi-pologne-menace-mbda-france/