
Comme chaque année, le DDPS publie un rapport faisant le point sur les principaux projets en cours au sein du Département. L’en on compte 21, dont 19 concernent la défense et 2 Swisstopo. Qu’est-ce que cette analyse nous apprend ? Et bien c’est ce que nous allons voir ! Pour ce faire, nous allons essayer de regrouper ces différents projets en catégorie, de manière à pouvoir déceler quelques tendances, si tendance il y a.
Vous nous direz « Ouiiiiiii mais il y a plein d’actualités plus intéressantes que cela ces jours, notamment les préavis de certaines commissions sur la hausse des dépenses militaires. Pourquoi vous ne nous parlez pas plutôt de ça, hein ? ». Certes, vous auriez raison, mais nous pensons qu’il est important d’avoir un œil sur l’avancement des projets en cours, avant de vouloir multiplier les nouveaux.
Ainsi, tâchons de regrouper cela selon les trois forces que compte notre armée, soit terrestre, aérien et cyber/informatique, éléments auxquels il faut ajouter l’administration. Bien entendu, ces « catégories » sont poreuses, mais… mais voilà. C’est déjà pas si mal et il faut pas trop nous en demander non plus. Déjà qu’on publie deux papiers en deux jours !
En revanche, nous allons diviser cela en parties, pour que cela soit digeste, autant pour vous que pour nous !
Commençons par le domaine terrestre (notre préféré, on l’avoue). L’on y trouve le système d’exploration tactique TASYS, la modernisation des DURO et le Mortier 16. Le premier, qui vise à remplacer les Mowag Eagle I et II par une centaine de Eagle V notamment équipé d’un mat télescopique pour l’observation et visant à mettre les informations en réseau. Ces véhicules devaient initialement être opérationnels en 2025, mais le seront finalement avec une année de retard, du fait de l’intégration des systèmes de communication justement, ceux-ci étant plus largement intégrés aux autres appareils de l’armée, en plein renouvellement également. Malgré tout, les véhicules entreront progressivement en service dès la fin de cette année, mais avec des capacités de transmission dégradées, le tout dans l’enveloppe initialement prévue, soit 390 millions de francs.
Concernant la modernisation des DURO, le Programme d’armement 2015 prévoyait d’en moderniser 2220 pour 558 millions de francs, de manière à en prolonger la durée d’utilisation jusqu’en 2040. Il était prévu de clôturer ce programme en 2023, mais les difficultés financières rencontrées par le motoriste Steyr Motors, aboutissant à la faillite de l’entreprise, auront eu raison du calendrier. Un nouveau moteur a donc dû être trouvé, ce qui fut fait avec Fiat. Outre le retard occasionné par la recherche d’un nouveau motoriste, il a également fallu remplacer les 419 véhicules équipés de moteur Steyr. Il n’est rien de dire que ce programme aura coûté bien cher et fait couler beaucoup d’encre, pour une plus-value discutable, d’autant qu’une compétition pour remplacer les DURO devra être lancé dans les années 2030 pour les remplacer, soit très bientôt. Le soutien « déguisé » à Mowag qu’était ce projet aura donc définitivement été de l’argent bien mal investi.
Enfin, le Mortier 16 a lui aussi rencontré de nombreux retards et difficultés. L’objectif était de redonner aux Forces terrestres des capacités de tir indirect à courte distance, perdue avec la mise au rebut des chars lance-mines 12 cm 64/91 en 2009. Ce projet, débuté en 2010, se terminera donc finalement en 2029, et encore, si tout se passe bien au niveau des systèmes de communication, toujours eux. Il aura donc fallu presque 20 ans au DDPS et à RUAG pour développer un système de mortier dont aucune pays si ce n’est Oman (12 pièces) ne veut à l’international. On ne peut que se douter que le faible nombre d’exemplaires produits (48 en tout – 32 du Message sur l’armée 2016 et 16 du Message complémentaire 2022) ne permettra pas de conserver les compétences des ouvriers et des ingénieurs sur ce produit, à moins que RUAG ne trouve rapidement de nouveaux clients. Si cela ne devait pas se produire, les surcoûts liés à ce choix (d’ailleurs contesté par les militaires eux-mêmes, qui préféraient le AMOS finlandais) ne seraient pas les derniers et referont parler d’eux dans une 10-15 ans, lorsque les stocks de pièces détachées seront épuisés et une modernisation à mi-vie éventuellement nécessaire. Rappelons que l’acquisition de ces 48 pièces et des matériels associés (12 camions de transport et munitions) aura coûté la bagatelle de 775 millions de francs.
Entre ce dernier projet et la modernisation des DURO, ce sont donc 1,333 milliards de francs qui auront été engloutis et pas forcément de manière très judicieuse. Ainsi, et comme nous le disions en préambule, il faudrait peut-être que le Parlement se penche sur la politique d’acquisition du DDPS avant de libérer d’énormes crédits permettant à ce dernier de lancer une multitude de nouveaux programmes.
Sources :