
Depuis de très nombreuses années, les connaisseurs de la chose militaire helvète savent bien que l’armée aurait à faire face à des choix difficiles durant la décennie 2020. En effet, le budget que le DDPS pouvait espérer ne devait pas permettre de remplacer tous les systèmes, et encore moins d’équiper toutes les unités. Dans ce cadre, il est tout de même quelque peu surprenant qu’aucun plan d’économies n’ait vu le jour durant la décennie 2010. Car des coûts contestables, chaque militaire, simple soldat comme officier supérieur, en aura sûrement constaté ! Livret de Service n’est d’ailleurs pas le dernier à pointer la chose du doigt.
Quoi qu’il en soit, depuis le début du conflit en Ukraine, le budget de l’armée augmente plus qu’il n’était initialement prévu. De manière un peu contre-intuitive, cela n’est pas forcément une bonne nouvelle car pareille croissance, rapide et soudaine, nécessite une bonne préparation et des équipes rodées à la gestion de programme. Or le rapport annuel sur les projets montre bien que le DDPS n’est pas forcément un as de la chose. Ajoutons à cela que les fournisseurs d’équipements militaires sont aujourd’hui bien occupés avec le réarmement généralisé en Europe, et l’on comprendra bien que la hausse du budget risque de ne pas être toujours utilisée à bon escient, dans les temps et dans des conditions optimales…
Quoi qu’il en soit, on sent le vent tourner depuis la fin de l’année dernière : le Conseil fédéral, le Parlement et le département lui-même se sont, fort heureusement, rendus compte que l’outil de défense helvète pouvait être un peu plus efficient du point de vue budgétaire. L’on se doute que cette prise de conscience est également due au fait que les finances générales de la Confédération ne sont pas au beau fixe. L’on a déjà évoqué la suppression de la Patrouille Suisse et la diminution de l’offre en démonstration aérienne en fin d’année 2024. Tout début janvier, le Département a communiqué sur deux autres éléments. Et, comme d’habitude, c’est la mesurette insignifiante qui a fait parler d’elle, et non celle qui est significative.
La première est simple : la tenue de sortie ne sera plus fournie à la troupe, sauf en cas de besoin de représentation. Ainsi, de près de 20 000 uniformes distribués par année, l’on passera désormais à environ 1500, permettant d’économiser annuellement 5,2 millions de francs. Il ne s’agit évidemment pas d’une panacée budgétaire, mais la multiplication de petites mesures de ce genre, qui n’ont aucun impact sur les capacités de l’armée, permettront de retrouver les moyens de financer des acquisitions. Et, ce n’est rien de le dire, cet uniforme n’était de loin pas le plus seyant. La tenue B ira très bien pour aller en sortie en renverser sa bière tiède dessus, de même que pour effectuer les entrées en service et autres licenciements.
L’autre mesure, dont on a moins entendu parler, est constituée par des coupes dans le personnel. Il s’agirait d’effectuer pour environ 210 millions d’économies d’ici 2030 dans le secteur des ressources humaines, sans prononcer de licenciements toutefois. En effet, la courbe des âges étant ce qu’elle est dans notre pays, les départs à la retraite seront nombreux dans les années à venir. Si cette mesure ne devrait, selon le département, pas avoir d’impact sur la vie des collaborateurs, elle en aura nettement plus sur celle du DDPS lui-même ! En effet, il semble optimiste de vouloir en même temps plus d’acquisitions, et de systèmes plus complexes qu’auparavant qui plus est, avec le surplus de maintenance et de formation que cela suppose, tout en ayant moins de personnel pour gérer tout cela… Il semblerait d’ailleurs, là aussi, que les parlementaires commencent à se rendre compte de la difficulté qu’a le DDPS pour gérer ses différents programmes. Ne reste donc plus qu’à en tirer les conclusions nécessaires !
S’il est une bonne chose que le monde politique recommence à empoigner sérieusement les questions de sécurité, et des grandes orientations à donner au DDPS, il semble que le travail intellectuel n’est encore fait qu’à moitié et que les difficultés, notamment à remplacer les grands systèmes en service, ne sont pas près de disparaître dans l’armée suisse.
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