Rapport sur les projets 2023 : les années se suivent et se ressemblent (partie 2)

Présentation du F-35A le 23.03.2022 à Emmen, @Neo-Falcon Creations,

Aujourd’hui, nous nous penchons sur le deuxième « thème » identifié dans le rapport sur les projets 2023, à savoir le domaine aérien. Sur les 19 projets principaux en cours, 3 concernaient les Forces terrestres et 7 les Forces aériennes. L’on peut donc encore une fois constater que les premières restent le parent pauvre des investissements du DDPS et cela ne devrait pas changer dans l’immédiat.

Quoi qu’il en soit, les 7 projets concernés sont les suivants : nouvel avion de combat (F-35), DSA LP (Défense Sol-Air Longue Portée, soit le système Patriot), C2Air (remplacement des composants de traitement du système radar Florako et renouvellement des capteurs Florako, prolongation de la durée d’utilisation des avions de combat F/A-18, ADS 15 (drone de reconnaissance), et maintien de la valeur de l’hélicoptère Cougar.

Nous traiterons aujourd’hui les objets liés au Programme Air2030, à savoir les 4 premiers (oui, on sait, on fait durer le suspense, mais on est comme ça, nous, on aime surprendre)

Le premier projet, le plus onéreux, à savoir l’acquisition du chasseur-bombardier américain F-35 pour 6,065 milliards de francs (+30 millions depuis les dernières années du fait de l’augmentation de la TVA), est mené de manière coordonnée au sein du programme Air2030 avec l’achat du Patriot et du renouvellement des différents composants du système radar Florako, de manière à optimiser au mieux la mise en réseau de ces équipements, ceci étant la volonté du département dans tous les domaines, et la condition sine qua non à des opérations menées avec succès. Pour l’instant et selon les déclarations du DDPS, le calendrier et le budget semble être tenu, même si le Block 4, le standard de l’avion F-35 que la Suisse a acheté, est loin d’être opérationnel. Mais, ne vous inquiétez pas brave gens, car le département indique « maintenir la pression sur les fournisseurs ». Oui, oui, vous avez bien lu, nos autorités pensent disposer d’assez de poids pour pousser Lockheed-Martin mais aussi le gouvernement américain à respecter ses engagements. C’est si chou. Nous ne surprendrons pas nos lecteurs de longue date en leur disant que nous attendrons de voir le F-35 voler pour vérifier si les déclarations optimistes des uns et des autres se vérifieront à l’avenir concernant cet avion. Nous restons circonspects quant au respect des budgets (notamment pour ce qui est des adaptations des infrastructures des aérodromes) et du calendrier. Le programme n’en étant qu’à ses prémices, il est encore trop tôt pour faire un quelconque constat de manière étayée mais les nouvelles en provenance des différents utilisateurs incitent à la prudence.

Le deuxième projet consiste en l’acquisition de 5 unités de feu Patriot, les véhicules nécessaires à leur mise en œuvre ainsi que la connexion du système aux données tactiques des Forces aériennes suisses. Comme pour le F-35, ce projet semble aujourd’hui tenir ses coûts (1987 millions pour le système de base acquis au travers du Programme d’Armement 2020 et 325 millions pour l’acquisitions de missiles supplémentaires en 2023) et ses délais (livraison entre 2027 et 2030). Le système étant plus ancien et éprouvé, notamment en Ukraine où il semble être tout à fait efficace, ce volet du programme Air2030 semble bien moins risqué que son pendant aérien. Malgré tout, pareil équipement demeure complexe, raison pour laquelle un bureau de liaison a été ouvert à Huntsville (Alabama) en août 2023. Le réseau d’opérateurs européens du système est également en plein développement et permettra certainement au DDPS de profiter de leurs connaissances et expériences.

Pour continuer avec le Programme Air2030, prenons les deux volets liés au système radar Florako. Pour rappel, ce dernier assure la surveillance du ciel helvétique. Dans le détail, il permet d’identifier les différents aéronefs évoluant dans la 3ème dimension suisse et de centraliser les informations reçues non seulement par les radars au sol, mais aussi par ceux des avions et des systèmes de défense antiaérienne.

Pour gérer la conduite et la communication au sein de Florako, celui-ci intègre 4 sous-systèmes : Ralus (traitement des signaux radar), Lunas (visualisation des signaux radar pour l’acquisition de renseignements aériens), Komsys (communication verbale et de données) et Datalink (transmission de données tactiques). Le premier volet porte justement sur le remplacement et la modernisation de ces composants. Il est ainsi question de remplacer Ralus et Lunas, de maintenir la valeur de Komsys et de moderniser Datalink. Ce projet, débuté en 2018, a pris du retard. En effet, l’objectif initial était de le clôturer en 2025, mais il faudra finalement attendre 2030 pour cela. Comme souvent avec le DDPS, c’est au niveau de l’intégration de tous les systèmes au sein d’une architecture centralisée que se trouve le problème, et ce projet n’échappe pas à la malheureuse règle. Ainsi, les équipements en service (notamment pour Ralus et Lunas) devront probablement rester en service plus longtemps que prévu, avec les risques de panne que cela induit. Les deux autres (Komsys et Datalink) respectent quant à eux mieux les calendriers et budgets prévus. En parlant de budget, celui-ci est pour l’instant estimé à 283 millions, quand 225 étaient planifiés à la base.

Enfin, le deuxième volet lié au système radar Florako, à savoir le renouvellement des capteurs, se déroule quant à lui mieux. Il s’agit ici de maintenir la valeur des radars primaires et des équipements associés ainsi que d’acquérir un nouveau radar secondaire « s’intégrant à l’environnement actuel et d’en étendre les capacités en modernisant les procédures d’identification des aéronefs militaires et civils ». Ce dossier devrait s’achever en 2026, et dans les budgets alloués par le Parlement, soir 194 millions de francs.

On le voit donc, le Programme Air2030 est un énorme projet, très complexe au niveau informatique et gourmand en ressources financières. Le DDPS ayant passablement de problèmes à mettre en place ses infrastructures numériques, et le F-35 suscitant toujours autant de craintes et de polémiques, il n’est rien de dire que tous les acteurs seront soulagés lorsque tous ces composants seront effectivement en service. Reste à savoir quand et à quel prix…

Sources :

https://www.vbs.admin.ch/fr/projets-principaux