
Durant la session parlementaire de printemps, le conseiller aux États Beat Rieder (PDC, VS) a déposé un postulat demandant au Conseil fédéral de « présenter dans un rapport les tâches qui pourraient être attribuées à la pharmacie de l’armée à l’avenir, en tenant compte des expériences faites pendant la crise du coronavirus. Cet état des lieux complet s’attachera en particulier aux aspects suivants : profil et tâches, compétences, systèmes, ressources nécessaires, processus, structure de l’organisation et approvisionnement du pays. »
En effet, cette réflexion sur le rôle de la pharmacie de l’Armée a paru nécessaire au Conseiller aux États, car celle-ci s’est vue, lors de la pandémie, attribuer des tâches qui allaient bien au-delà de son mandat initial, à savoir « d’acquérir des biens médicaux importants et nécessaires pour toute la Suisse, pour les cantons et pour le système de santé. » Il a ajouté que « ce n’était pas son rôle et elle n’était pas équipée pour le faire. Pour gérer à court terme un volume d’acquisition décuplé, elle a dû engager beaucoup de personnel et développer une organisation ad hoc. »
Ce postulat est rapidement parvenu au Conseil aux États, puisque c’est durant la session d’été qu’il a été traité, avec en outre une recommandation positive émanant du Conseil fédéral. À cette occasion, Beat Rieder a souligné que « Au DDPS, les choses bougent manifestement plus vite que je ne l’aurais jamais cru ». Il est vrai qu’entre la première et la deuxième vague, l’Armée a fait preuve d’une bonne capacité d’adaptation et a fondamentalement revu sa copie entre les deux engagements, à la suite de critiques légitimes. En automne, elle a en effet suspendu tous les cours de répétition qui n’étaient pas essentiels à son bon fonctionnement, mobilisé de manière progressive et non de manière préventive, et n’est intervenue que lorsque les besoins des cantons était clairement avérés, évitant de laisser des soldats désœuvrés. Ainsi, elle a semblé très bien préparée à la situation de l’automne dernier, ce qui n’a pas forcément été le cas des organisations civiles. Pas mal pour une institution que certains décrivent bien volontiers comme sclérosée et incapable de s’adapter et de prendre les critiques en compte….
M. Rieder a continué son intervention et décrit les activités de la Pharmacie de l’Armée durant la pandémie. Comme dit plus haut, ce service a dû remplir une mission pour laquelle il n’était initialement pas taillé. Le conseiller aux États a précisé que « Avant 2018, la pharmacie de l’armée s’est procurée du matériel pour quelques millions de francs, puis en 2020 pour plusieurs centaines de millions de francs, le montant total dépassant même le milliard. Le volume des achats a été multiplié par 150 par rapport à l’époque précédant la crise du Covid-19. Il est donc tout aussi naturel que des erreurs se produisent. […] Vous connaissez les critiques correspondantes dans les médias : elles ne sont que partiellement justifiées. Le caractère exceptionnel de la situation est également en partie responsable. » Il a conclu son intervention en posant quelques questions auxquelles le Conseil fédéral devrait répondre, à savoir « la Pharmacie des forces armées doit-elle être subordonnée au Département de la santé et à ses spécialistes, ou doit-elle faire partie de l’état-major logistique ? Faut-il et peut-on augmenter l’efficacité de la Pharmacie de l’Armée ? Pour quels achats la pharmacie de l’armée doit-elle être responsable ? Doit-il être réorganisé en vue d’une future crise ?
Thomas Minder (Indépendant, groupe UDC, SH) a ensuite pris la parole en tant que membre de la commission de politique de sécurité, avec des propos très critiques et parfois outranciers. Il a ainsi avancé que « la pandémie a clairement montré que la pharmacie de l’armée n’a pas répondu aux attentes », que ce service « avait été paniqué » et que « des millions de francs des contribuables ont été gaspillés pour l’achat des masques d’hygiène ». Dans un second temps, il s’est attaché à préciser les questions du postulat, notamment celle de l’ampleur de la prestation que doit offrir la Pharmacie de l’Armée – uniquement aux militaires, ou à l’ensemble de la population ? Doit-elle produire elle-même un certain nombre de médicaments ? Quelle doit être l’ampleur des stocks ? – et les financements et ressources humaines associés.
Enfin, Viola Amherd, Conseillère fédérale en charge du dossier, a pris la parole. Elle en a profité pour répondre aux critiques de M. Minder. Elle a rappelé, comme Beat Rieder l’avait d’ailleurs fait, que les moyens alloués à la Pharmacie de l’Armée ne lui permettaient pas d’être efficacement préparée aux missions qui lui ont été confiées durant la pandémie, d’où certaines erreurs lors d’acquisitions de masques. De tous les organes de la Confédération, il s’agissait, selon le Conseil fédéral, du plus à même de remplir cette mission extraordinaire. « En dépit de toutes les critiques et de toutes les erreurs commises, que nous ne nions pas – des erreurs ont été commises, nous voulons les améliorer – nous sommes parvenus à fournir au service de santé et à la population les biens médicaux nécessaires. Sans la Pharmacie de l’armée, cela n’aurait pas été le cas. » Après ces rapides précisions, Mme Amherd a tenu à préciser qu’elle était tout de même d’accord avec les intervenants : c’est aux politiciens que revient de fixer les rôles et les moyens de la Pharmacie de l’Armée. Dans ce cadre, le postulat a été largement accepté et un rapport sera donc dressé, sitôt que la pandémie le permettra…
En définitive, et malgré les erreurs effectivement commises, il convient de remercier ces milliers de militaires, miliciens ou professionnels, qui ont œuvré et qui œuvrent toujours pour faire face à cette immense catastrophe sanitaire, économique et sociale qu’est le coronavirus. Mesdames et Messieurs, nous ne serons jamais assez reconnaissants pour votre engagement !
Sources :
https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20213448