
Les débats parlementaires mettent parfois en lumière des subtilités légales dont l’existence était étrangère au commun des mortels. Ainsi en va-t-il de l’initiative parlementaire de Walter Gartmann (UDC, SG).
En juin dernier, celui-ci a demandé que ses alter ego suppriment la disposition selon laquelle les membres de l’Assemblée fédérale sont exemptés de la taxe d’exemption du service militaire si celui-ci ne peut être effectué pendant une session des Chambres fédérales. Il considérait cela injuste notamment parce que « toutes les autres personnes astreintes au service doivent, en cas d’empêchement, déposer une demande de report de service et s’acquitter de la taxe d’exemption du service militaire pour le service non effectué. » Il a ajouté que les élus fédéraux avaient un devoir d’exemplarité, qu’en cas d’empêchement, ceux-ci pouvaient facilement s’acquitter de leur dû et effectuer leur service à un autre moment et que ce cas de figure ne concernait de toute manière que 3 personnes.
Son collègue Benjamin Fischer (UDC, ZH), rapporteur de la minorité de la Commission des institutions politiques qui soutenait cette proposition, a également rappelé que cette disposition datait d’une période où le Parlement était uniquement masculin. Une importante majorité d’élus était, logiquement, soumise aux obligations militaires, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Cela explique peut-être en partie la pauvreté des débats sur les enjeux de défense mais il s’agit là d’une autre question.
Le vote dans cette commission était serré, puisque la chose s’est jouée à 12 voix contre 13. La majorité ayant rejeté la proposition, a expliqué, par la voix de son rapporteur Beat Flach (VL, AG), qu’elle ne voyait pas de privilège dans cette disposition. En effet, la loi sur l’armée exempte de toute manière les parlementaires de service durant les sessions et commissions parlementaires. Il n’y a donc pas lieu de supprimer l’exemption de taxe relative à ces périodes. Peut-être que la commission aurait pu en faire la proposition, cela dit…
Il a ajouté que « Le Parlement fait partie de notre système de milice et les parlementaires jouent un rôle essentiel dans ce système. Leur participation aux séances plénières et aux réunions des commissions n’est pas une question secondaire. Ils constituent un élément central de notre ordre démocratique. À l’instar des secouristes ou des médecins, l’État doit fixer des priorités dans certaines situations. Le travail politique a ici la priorité. » En outre, les parlementaires dans ce cas-là doivent de toute manière rattraper les jours de service qui leur sont assignés, faute de quoi la taxe sera effectivement due.
Jean Tschopp (PS, VD) a terminé cette passe d’armes d’une bien mauvaise façon, avec un argument dit « de la pente glissante ». Il a en effet argué que si l’on commençait à réfléchir comme cela, c’était la porte ouverte à la remise en question d’autres éléments du travail parlementaire, comme… la liberté d’expression. Si, si. Brandir ce droit fondamental pour dire des conneries pareilles, voilà qui est tout de même bien malheureux.
Aussi symbolique, voire anecdotique que cette mesure pouvait l’être, elle a été refusée par 96 voix contre 86 et une abstention. Elle nous aura en revanche appris qu’aujourd’hui, très peu, trop peu de parlementaires ont un pied dans l’armée, les éloignant sans doute des réalités de cette dernière. Dès lors, l’on se focalise soit sur des broutilles, soit sur des projets ayant une forte visibilité médiatique, mais pas sur des mesures plus simples mais à même d’améliorer significativement le quotidien de nos militaires. Combien de temps pourrons-nous continuer dans cette (mauvaise) direction ?
Sources :
Bulletin officiel de l’Assemblée fédérale, Conseil national, session d’été 2025 : https://www.parlament.ch/centers/documents/de/NR_5209_2506.pdf#section*.1431