
Après la conférence de presse donnée par MM. Martin Pfister et Urs Loher le 25 juin dernier au sujet de surcoûts concernant l’acquisition de l’avion de combat américain F-35, les réactions politiques ont évidemment été fortes et nombreuses. Dès lors, différentes commissions ont décidé de se repencher sur ce dossier, pour savoir d’une part si manquements il y avait eu, et d’autre part, explorer des pistes pour la suite de ce projet.
Ainsi, la Commission de gestion du Conseil national a décidé fin juin de lancer une enquête sur la manière dont les autorités ont géré l’acquisition de l’aéronef de Lockheed Martin, et notamment les aspects contractuels, manifestement au cœur des problèmes budgétaires sur ce programme. Elément piquant : cette commission s’était déjà penchée sur la question du « prix fixe » et n’y avait rien trouvé à redire, contrairement au Contrôle fédéral des finances, qui doutait dès le début des assurances données par le DDPS et avait publié un rapport sur ce sujet en juillet 2022.
Dans le même temps, la Commission de la politique de sécurité du Conseil national s’est également réunie. Différentes propositions ont été rejetées : de suspendre les paiements relatifs au F-35, charger le Conseil fédéral d’étudier une acquisition alternative ou encore solliciter l’Office fédéral de la justice afin de mener une évaluation juridique du dossier.
Le contrat étant signé, il est un peu tard pour que les parlementaires commencent à faire preuve de curiosité… De plus, la plupart des responsables ayant bien opportunément quitté le département depuis lors, l’on peut se demander si les conclusions de ces différentes commissions auront un quelconque impact sur la gestion des acquisitions au DDPS.
Quoi qu’il en soit, et comme nous l’avions déjà dit, les options ne semblent pas nombreuses. Le Conseil fédéral se retrouve pieds et poings liés par deux éléments : le contrat signé avec les États-Unis et la votation populaire de septembre 2020. Rompre le contrat signifierait certainement payer de fortes pénalités et poserait également de très gros problèmes aux Forces aériennes, dont les F/A-18 devraient être retirés au tout début des années 2030. Il n’y a donc plus guère le temps de procéder à de nouveaux essais ou appels d’offres, d’autant plus que les chaînes de production des différents industriels sont déjà bien occupées, Eurofighter excepté.
Dans le même temps, le « contrat » passé avec la population stipule que le renouvellement de ces moyens coûtera 6 milliards de francs, et pas un centime de plus. Il apparaît déjà qu’un certain nombre d’éléments, comme la mise à niveau des infrastructures ou le développement du nouveau moteur nécessaire à la mise en service du Block 4 du F-35 promis à la Suisse, ne sont pas pris en compte dans le montant soumis en votation. Il apparaît donc très risqué du point de vue du lien de confiance entre le Conseil fédéral, l’armée et la population de passer outre une décision populaire et d’acter ce surcoût comme si de rien n’était. Ce lien étant déjà plus que ténu du fait des démissions en cascade et autres projets à la gestion erratique, les autorités doivent tout faire pour se montrer irréprochables.
Dès lors, et comme les différents décideurs le laissent entendre aujourd’hui, une des pistes, que nous soutenons, est de conserver le plafond voté, et de diminuer le nombre d’appareils commandés. La flotte acquise sera donc forcément en sous-effectif – elle l’était de toute manière déjà avec 36 appareils – ne permettant que 2 à 3 semaines d’opérations soutenues.
Une fois ce volet réglé, viendra donc forcément la question du renforcement de la flotte. Faudra-t-il commander plus de F-35, ou opérer une flotte mixte, comme le fait par exemple la Grèce, et comme nous le faisons encore aujourd’hui ? Il s’agit là d’interrogations pour le futur, mais elles doivent se poser dès à présent, au vu du durcissement du contexte géopolitique et de la volatilité des traditionnels liens transatlantiques.
Sources :
https://www.parlament.ch/press-releases/Pages/mm-gpk-n-2025-07-01.aspx?lang=1036
https://www.parlament.ch/press-releases/Pages/mm-sik-n-2025-07-02.aspx?lang=1036
https://www.24heures.ch/armee-la-suisse-pourrait-acheter-moins-de-f-35-que-prevu-628752549599