
Vous rappelez-vous le printemps 2022 ? Les politiciens de droite semblaient avoir compris qu’on ne pouvait pas toujours faire plus avec moins de moyens tandis que ceux de gauche battaient leur coulpe, ne sachant plus trop quoi dire après que 30 années de théories pacifistes fumeuses ne soient démontées en quelques semaines en Ukraine.
Et bien si nous nous en rappelons, nos élus fédéraux manifestement pas. Ainsi, le Conseil fédéral a annoncé sa planification budgétaire pour les prochaines années et il ne semble pas prendre pleinement en compte les bouleversements géopolitiques survenus depuis le 24 février dernier. En effet, le Parlement avait demandé une hausse du budget de l’armée ce printemps, pour qu’il atteigne 1% du PIB d’ici 2030. Ce chiffre n’était toutefois guère clair, car il dépend évidemment de l’évolution du PIB. Ainsi, certains estimaient que la somme à atteindre était de 7 milliards de francs, soit 300 millions de plus par années, tandis que d’autres imaginaient que le PIB pouvait croître bien plus que cela, et entraîner le budget de la défense à plus de 9 milliards de francs, soit une augmentation de 600 millions de francs par année.
Il n’en sera finalement rien. Ce ne seront donc pas 300 millions de plus par année, et encore moins 600, mais seulement 150 millions. D’ici 2024, le budget de la défense devrait donc atteindre 5.39 milliards de francs. Ainsi, il semble bien que les crédits annuels alloués à l’armée n’arriveront pas à atteindre le seuil des 7 milliards de francs en 2030, à moins qu’après 2024, une augmentation annuelle de 400 millions de francs soit approuvée, ce qui semble irréaliste dans la situation politique actuelle, la gauche antimilitariste freinant à nouveau des quatre fers pour tout ce qui a trait aux questions militaires, tandis que la droite se rattache encore une fois à sa très (trop ?) stricte rigueur budgétaire. Notons qu’il fut un temps où les taux d’intérêts étaient négatifs, et que les projets pouvaient donc être financés via des emprunts qui rapportaient ( !) mais nos élus fédéraux, trop frileux, n’ont pas profité de cette occasion en or, et se plaignent maintenant d’avoir énormément de projets à gérer, et pas de budget pour les mettre en œuvre… Quoi qu’il en soit, le Conseil fédéral a annoncé que le budget du DDPS devrait croître de 3% annuellement dès 2025, soit plus du double qu’actuellement. On est sauvé…
Dès lors, et obligatoirement, l’armée ne pourra pas financer tous les programmes qui auraient pu et dû l’être. Nous risquons même de nous faire déclasser par des voisins qui, eux, ne font pas l’impasse sur de réelles hausses de leurs dépenses militaires, Autriche exceptée. En revanche, rappelons qu’Armasuisse fait déjà face à des difficultés pour gérer les programmes actuels, notamment au niveau de l’intégration informatique des nouveaux matériels. Il serait donc illusoire de vouloir mettre en œuvre des projets supplémentaires dans ce contexte, à moins que l’augmentation des dépenses ne serve à financer de nouveaux postes de spécialistes. En revanche, la croissance du budget aurait pu servir à accroître le volume des acquisitions ; accélérer la rénovation de notre vétuste parc immobilier ; augmenter massivement la production photovoltaïque des bâtiments du DDPS, et donc, par la suite, diminuer d’autant la facture en carburant, tous les nouveaux véhicules civils devant maintenant disposer d’une motorisation électrique ; augmenter la numérisation de l’armée pour permettre de diminuer les ETP destinés uniquement à rentrer des données dans des tableaux Excel, etc. Ce ne sont pas les possibilités d’utiliser cet argent sans lancer de complexes programmes d’acquisition qui manquent.
Mais il n’en sera rien. Le DDPS restera donc bloqué avec un budget relativement limité et une conseillère fédérale qui ne semble s’intéresser à son département que par la bande.
Sources :
https://www.24heures.ch/karin-keller-sutter-endosse-le-costume-de-mere-la-rigueur-658161864405
https://www.letemps.ch/suisse/conseil-federal-prevoit-2-milliards-deconomies
https://www.letemps.ch/suisse/conseil-federal-veut-faire-bondir-budget-larmee-600-millions-francs