Le Conseil national souhaite que l’examen de conscience soit réintroduit

L'Assemblée fédérale, ©Services du Parlement / Rob Lewis

La question de l’alimentation en effectifs de l’armée n’est pas nouvelle. Cela fait en effet plusieurs années que le DDPS s’inquiète de voir un nombre important de conscrits s’orienter vers le service civil, parfois après avoir accompli leur école de recrues. Malgré le contexte géopolitique tendu et les moyens financiers supplémentaires accordés à l’armée, ce sont près de 7000 militaires qui ont choisi de quitter l’uniforme l’année dernière, alors que ce chiffre n’était que de 1300 en 2009.

Malgré cet état de fait, le Conseil fédéral multiplie les rapports dans le domaine mais ne prend guère de mesures, ce qui ne semble pas satisfaire les membres du législatif, qui a par exemple déjà forcé la main de l’exécutif en demandant de fusionner la PCi et le service civil. Dans ce cadre, deux conseillers nationaux, Jacqueline De Quattro (PLR, VD) et David Zuberbühler (UDC, AR) ont déposé un postulat en début d’année demandant que l’examen de conscience soit réintroduit, contre l’avis du Conseil fédéral. En effet, celui-ci avait été supprimé en 2009 et remplacé par le principe de « la preuve par l’acte ». Les autorités avaient alors considéré que le service civil durant une fois et demie plus de temps que le service militaire, il n’y avait pas besoin d’autre preuve qu’il y avait un conflit de conscience pour l’accomplir.

Après que la commission de politique de sécurité s’est prononcée en faveur de cette proposition, par 15 voix contre 9, le Conseil national a débattu de la question le 18 juin dernier. À cette occasion, M. Zuberbühler a expliqué qu’une étude de 2022 de l’université de St-Gall concernant les motivations des civilistes montrait que rares étaient les cas de conscience réels. Il est plutôt question du manque de sens, d’une plus grande flexibilité dans le service civil, d’une mauvaise formation dans l’armée, de raisons de santé, du style de direction des supérieurs, etc. Mme De Quattro a ajouté que 786 personnes avaient demandé à passer du service militaire au service civil pendant leur école de recrues et 2199 personnes, soit plus de 30%, après l’avoir terminée, ce qui est tout de même curieux pour des gens censés avoir un conflit de conscience à être sous les drapeaux. Dès lors, la Constitution ne serait pas respectée, puisque les citoyens mâles auraient la possibilité de choisir la manière dont ils souhaitent accomplir leurs obligations. Or la liberté de choix dans ce domaine n’est pas censée exister.

L’objectif clairement défini par les motionnaires est donc de remettre en place une commission chargée d’auditionner les conscrits ne désirant pas servir sous l’uniforme, afin de constituer un obstacle administratif à même de décourager une partie des jeunes de s’orienter vers le service civil.

Selon les opposants à la proposition, soit la gauche et le Conseil fédéral, la remise sur pied de l’examen de conscience engendrerait des coûts et une bureaucratie qui ne sont pas souhaitables. En outre, de nombreux conseillers nationaux socialistes ont argué que 90% des personnes auditionnées se voyaient octroyer le droit d’effectuer le service civil, oubliant cependant qu’un certain nombre de citoyens avait tout simplement renoncé à entamer des démarches du fait de l’existence même de cette seule commission. Ils ont également argué, certainement à raison, que cela risquait d’augmenter le nombre de réformés purs et simples, ce qui met tout de même quelque peu en question l’intégrité du corps médical, délivrant manifestement des certificats à la demande… Enfin, les 7 sages ont indiqué qu’il était possible que l’examen de conscience soit contesté sur le plan légal, puisqu’il pourrait constituer une atteinte aux droits fondamentaux.

De notre côté, l’on estime que si ce genre de mesure permettra effectivement de compléter les effectifs de l’armée d’un point de vue strictement numérique, il s’agira encore de voir la qualité et la motivation de ces militaires supplémentaires. En cela, la gauche a, en partie raison. C’est sur les motifs invoqués par M. Zuberbühler pour justifier les départs de l’armée, et notamment le manque de sens et la mauvaise formation qu’il faut travailler. En revanche, la gauche devra, elle, accepter que rendre l’armée attractive coûtera de l’argent, qu’elle refuse pour l’instant de lui octroyer. Ainsi, elle joue sur les deux tableaux, en disant à qui veut l’entendre que l’armée est une institution désuète et inefficace, tout en excluant de lui allouer les moyens d’y pallier.

Quoi qu’il en soit, le Conseil national a adopté cette proposition par 111 voix contre 76. Cela ne signifie pourtant pas le retour de l’examen de conscience, puisque le texte voté demande au Conseil fédéral « d’analyser la possibilité de réintroduire l’examen de conscience comme condition d’admission au service civil. Dans le cadre de la révision de la loi sur le service civil, il doit présenter au Parlement un rapport contenant les résultats de l’analyse et les modifications possibles de la loi. »

Encore un papier de plus sur la pile…

Sources :

Bulletin officiel de l’Assemblée fédérale, Conseil national, session d’été 2025 : https://www.parlament.ch/centers/documents/de/NR_5209_2506.pdf

Objet n°25.3010, postulat De Quattro – Zuberbühler, « Réintroduction de l’examen de conscience comme condition d’admission au service civil. Examen » : https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20253010

Objet n° 22.3171, interpellation Hurter, « Conséquences du rétablissement de l’examen de conscience après l’école de recrues » : https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20223171