Le Conseil fédéral soutient une augmentation des dépenses militaires

L'Assemblée fédérale, ©Services du Parlement / Rob Lewis

Comme nous l’annoncions à la fin du mois de mars, la guerre en Ukraine va entraîner des répercussions importantes dans le domaine de la politique de sécurité en Europe. Depuis le déclenchement de celle-ci, l’Allemagne a en effet déclaré vouloir augmenter son budget à 2% de son PIB (soit 75 milliards d’euros par an) et mettre à disposition de ses armées une enveloppe exceptionnelle de 100 milliards d’euros disponible cette année déjà. Mais elle n’est de loin pas la seule. L’Italie a indiqué vouloir atteindre les 2% d PIB consacrés à la défense en 2028 (40 milliards €). Aujourd’hui, Rome dépense environ 1.4% de son PIB pour sa défense, soit 26 milliards d’euros. La Pologne, qui fait déjà figure de bon élève en la matière en dépensant 2.5% de son PIB au profit de ses forces armées prévoit de porter ce niveau à 3% dès l’année prochaine ! En Scandinavie, la Suède portera ses dépenses militaires à 2% de son PIB (10 milliards d’euros) contre 1.3 (6.56 milliards) actuellement. La Finlande en fera de même d’ici 2026, ce qui portera son budget à plus de 7 milliards d’euros. D’autres nations ont annoncé des efforts similaires à l’endroit de leur défense, comme les Pays Baltes, la Belgique et même… le Luxembourg !

Et en Suisse ? Comme nombre de pays européens, les dépenses consacrées à la défense ont fondu depuis la fin de la Guerre froide. En 1990, celles-ci se montaient à 1.57% du PIB contre 0.67% en 2015, selon le SIPRI. Cela représentait des dépenses passant de 5.797 milliards de francs à 4.296, d’après les chiffres de l’OFS. Dans le même temps, les recettes ordinaires de la Confédération passaient de 30.837 à 69.250 milliards… Ce n’est donc rien de dire que le DDPS a largement été mis à contribution durant deux décennies et demie, malgré ce que l’on peut entendre ici ou là. Et même si les dépenses augmentent à nouveau en termes nominaux depuis 2015, à plus de 5 milliards de francs, cela ne permet pas d’augmenter le niveau des dépenses en termes de PIB, et, plus important, de couvrir les nombreux investissements nécessaires au bon fonctionnement de notre outil de défense.

Il semblerait cependant que même en Suisse, les choses soient en train de changer. Après la motion de Jean-Luc Addor (UDC, VS) déposée auprès du Conseil national et demandant une hausse d’environ 2 milliards de francs, pour atteindre les 7 milliards (1% du PIB) d’ici 2030, un texte similaire a été déposé par Werner Salzmann (UDC, BE) au Conseil des États. Ces textes ont été acceptés par les commissions de sécurité des deux chambres, malgré les oppositions de la gauche, qui souhaite qu’une « augmentation des dépenses militaires soit examinée dans un cadre plus large, de manière à avoir une vue d’ensemble. » On peut se douter que les parlementaires de gauche souhaitent freiner ce mouvement des 4 fers, espérant attendre les élections d’automne 2023, avec peut-être de nouvelles pertes de sièges de la part des partis bourgeois. Mais les choses ne semblent pas aller en ce sens.

En effet, le Conseil fédéral a déclaré hier soutenir ces deux motions. Le gouvernement, soutenu par la majorité bourgeoise, peut-être aidée par le parti Vert-Libéral, n’aura donc pas forcément de difficultés à faire adopter cet objectif par les deux chambres. Et s’il est encore trop tôt pour savoir à quelles priorités cette nouvelle manne sera affectée, ce ne sont pas les besoins qui manquent !

Pour aider le Conseil fédéral dans ses décisions, il faut se rappeler qu’il a désormais 3 rapports à sa disposition, sur les forces aériennes, terrestres et cyber, lui permettant d’avoir une idée claire sur les variantes possibles et les moyens financiers que celles-ci supposeraient. Il semble donc que le département de la défense et le gouvernement fédéral aient les outils en mains pour dépenser ces moyens supplémentaires de manière pertinentes. Les lacunes et obsolescences matérielles et immobilières étant de toute manière très nombreuses, les autorités ont malheureusement l’embarras du choix. De plus, les nouveaux équipements sont acquis en nombre tout juste suffisant pour assurer l’instruction. Il ne faudrait donc guère de réflexion, de débat ou de rapport d’expert pour acheter des exemplaires supplémentaires de ces équipements, tant les besoins sont criants.

En définitive, il semblerait que l’armée suisse soit à un nouveau tournant. Après plus de 30 ans de disette, les moyens vont à nouveau être disponibles pour (re)constituer un outil de défense solide et cohérent. Reste encore à savoir dans quel cadre politique celui-ci s’inscrira, tant les propositions fusent ces dernières semaines.

Sources :

https://meta-defense.fr/2022/04/04/litalie-va-augmenter-son-budget-defense-de-12-mde-dici-2028/

http://www.opex360.com/2022/03/03/la-pologne-va-porter-le-niveau-de-ses-depenses-militaires-a-3-du-pib/

http://www.opex360.com/2022/03/11/la-suede-va-encore-augmenter-significativement-ses-depenses-militaires-et-les-porter-a-2-du-pib/

https://www.lefigaro.fr/flash-eco/la-finlande-va-augmenter-de-40-son-budget-de-la-defense-d-ici-2026-20220406

https://defencebelgium.com/2022/03/25/le-gouvernement-debloque-un-milliard-deuros-supplementaire-pour-la-defense/?

https://defencebelgium.com/2022/03/30/le-luxembourg-juge-irrealiste-et-irrealisable-datteindre-les-2-du-pib/

https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20223367

https://www.parlament.ch/press-releases/Pages/mm-sik-n-2022-03-22.aspx

https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20223374

https://www.parlament.ch/press-releases/Pages/mm-sik-s-2022-04-01.aspx

https://www.letemps.ch/suisse/budget-larmee-passer-7-milliards-dici-2030