L’armée suisse sélectionne l’AGM Artillery Gun Module sur Piranha IV !

AGM sur le Piranha IV 10X10 HMC — © VBS/DDPS

Le renouvellement de l’artillerie suisse n’est de loin pas un sujet nouveau. En effet, en 2016 déjà, soit une éternité en termes d’évolution géopolitique, le Conseil fédéral publiait un rapport intitulé « L’avenir de l’artillerie ». Celui-ci établissait globalement les besoins et le calendrier d’acquisition du nouveau système d’artillerie, les M-109 actuellement en service étant totalement hors d’âge et sujets à des pannes récurrentes ainsi que des soucis de corrosion au niveau du châssis.

Suite à cela, une première étape avait été franchie en juin 2022. Par suite d’évaluations préliminaires, le DDPS avait alors « shortlisté » le suédois Archer, de BAE Systems et l’allemand KNDS avec son système Armored Gun Model (AGM) en deux déclinaisons : la version allemande montée sur un Boxer 8×8 et une version « helvétisée » montée sur un nouveau Piranha présenté ce printemps, le Piranha IV HMC (Heavy Mission Carrier).

En septembre de cette année, Armasuisse annonçait que les tests avaient été effectués et que les données devaient maintenant être compilées et étudiées. C’est maintenant chose faite et c’est bien l’AGM sur Piranha HMC qui a été sélectionné.

Cette plateforme pèse au total 40 tonnes, dont 17 sont dévolues à la charge utile. Le nombre d’essieu permet une meilleure répartition du poids que sur le Boxer, donnant une plus ample stabilité et capacité tout terrain au système. Malgré son poids, celui-ci devrait donc conserver une bonne mobilité, aussi grâce aux 4 essieux directeurs. La tourelle AGM montée sur le véhicule est quant à elle entièrement automatisée et dispose d’un canon de 155 mm de 52 calibres. Celui-ci, servi par un équipage de deux hommes (conducteur et chef de pièce), peut faire feu quelle que soit la direction dans laquelle il est pointé et dispose même de la capacité à faire feu en mouvement, lui permettant d’échapper au mieux aux tirs de contrebatterie, menace mortelle en Ukraine. La capacité d’emport serait quant à elle de 30 projectiles amorcés au maximum ainsi que 144 charges propulsives modulaires.

Les lecteurs assidus de cette page ne sont sans doute pas tombés de leur chaise concernant ce choix. En effet, Livret de service l’avait prédit depuis fort longtemps. Comme quoi on ne dit pas toujours que des bêtises ! Il semblait évident que le DDPS n’allait pas mettre en service une nouvelle plateforme blindée avec le Boxer, tant elle avait essayé de rationaliser ses équipements, notamment avec les châssis DURO et Piranha. En outre, les différents succès du RCH 155 (AGM monté sur Boxer) en Allemagne, en Grande-Bretagne et son envoi en Ukraine lui donnait une meilleure assise industrielle, comparé à l’Archer utilisé aujourd’hui uniquement par la Suède, et marginalement par l’Ukraine et la Grande-Bretagne, en attendant ses nouveaux systèmes allemands. Sans parler de la propension du DDPS à mettre toutes ses billes dans les Piranhas, même quand cela n’est peut-être pas le plus opportun, comme avec le char de pionniers 21.

Le Département de la défense a d’ores et déjà annoncé que l’acquisition de ce système serait proposée dans le cadre du Programme d’Armement 2025, ce qui est une surprise puisqu’il était plutôt question de 2026 jusqu’ici. D’ailleurs, le projet s’intitule toujours « Artillerie Wirkplattform et Wirkmittel 2026 ». L’usure des M-109 est-elle si importante qu’il a fallu quelque peu anticiper cette acquisition ? Un autre processus d’évaluation a-t-il pris plus de temps que prévu, nécessitant de procéder à une rocade ? Nous n’avons aujourd’hui pas de réponse à ces questions.

Quoi qu’il en soit, il s’agit évidemment d’une bonne chose pour notre artillerie, totalement dépassée et à bout de souffle. L’introduction du système TASYS et de l’AGM permettra à notre artillerie de retrouver des capacités qu’elle avait peu à peu perdu. Il reste encore à remplacer les antiques M-113 de direction des feux, ce qui devrait normalement être fait ces prochaines années, ainsi que mettre tous ces systèmes en réseau, ce qui prendra certainement du temps, vu la maîtrise que manifeste l’armée à l’endroit de ses projets informatiques.

En outre, et comme nous l’évoquions dans nos derniers articles, cela permet à Mowag (GDELS) de faire fonctionner ses lignes de production à Kreuzlinger, tout en donnant de réelles chances de succès à cette plateforme en Espagne et aux États-Unis, où ils sont actuellement évalués.

Espérons que ce système, donne satisfaction à ses utilisateurs. Des retours provenant d’Ukraine indiquent ainsi que les systèmes fortement automatisés, comme c’est le cas de l’AGM, impliquent une maintenance accrue. Or si l’on supprime des membres d’équipage uniquement pour rajouter des mécaniciens, il n’est pas sûr que le calcul soit absolument favorable, tant en termes de coûts que de gestion des ressources humaines. Mais tâchons, une fois n’est pas coutume, de nous montrer positif : un programme se déroule selon le calendrier prévu, voire même avec un peu d’avance, et permet d’enfin mettre au rebut nos M-109 qui ne méritent plus que cela.

Et cela, ce n’est pas tous les jours qu’on peut le voir au sein de l’armée suisse.

Sources :

https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-89927.html

https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-102306.html

https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/42661.pdf

https://meta-defense.fr/2024/10/23/caesar-artillerie-mobile-ukraine/

https://www.hartpunkt.de/schweiz-will-agm-artillery-gun-module-auf-piranha-iv-als-zukuenftiges-artilleriesystem-beschaffen/