
Le 14 mai dernier, le Conseil national a approuvé plusieurs choses ayant trait à la défense, dont la mise hors service de 25 chars Leopard 2, que le Conseil fédéral entend revendre au fabricant allemand Krauss-Maffeï Wegmann.
C’est donc un feuilleton politique et diplomatique qui se clôt, après de longues semaines de polémiques. Rappelons que la Suisse aligne aujourd’hui 134 de ces engins, plus 12 Kodiak du génie, 25 Büffel de dépannage et 12 Iguane poseurs de pont. C’est parmi les 96 machines supplémentaires conservées en réserve que les exemplaires réexportés seront pris. Il s’agit de chars dans leur jus d’origine, n’ayant pas bénéficié du programme d’armement 2006 dont l’objectif était notamment de mettre l’optronique et l’électronique à jour.
Il s’agit à notre sens d’une manœuvre qui fait sens. En effet, ces véhicules ne sont plus du tout à jour et nécessiteraient d’importants crédits pour être remis en marche et modernisés, tandis que leur stockage coûte également. D’ailleurs, d’autres pays disposant de modèle similaire, comme la Norvège, ne s’embarrassent pas et préfèrent racheter du neuf plutôt que de lancer de coûteux chantiers de revalorisation sur des chars de plus de 30 ans.
De plus, la Suisse dispose actuellement d’une flotte déjà très impressionnante pour sa taille, flotte qui permet de conserver le savoir-faire, mais de disposer également d’une capacité réelle. Dès lors, il vaut mieux, à notre sens, investir prioritairement pour retrouver des capacités perdues, avant de renforcer celles dont nous disposons déjà.
La société des officiers des troupes blindées communique évidemment beaucoup sur ce dossier, annonçant l’apocalypse sur notre pays si ces 25 chars qui n’ont plus vu la lumière du jour depuis des décennies sont revendus et réclamant pas moins de 5 milliards de francs pour leur seule arme, de manière à disposer d’un parc de 362 chars, soit plus que l’Allemagne, si si, vous avez bien lu. Ces énormes chiffres sont probablement avancés dans un but de négociation, permettant de descendre ensuite les exigences sans trop rogner sur l’objectif réel mais ils semblent tout de même bien fantaisistes par rapport aux besoins, au budget et aux effectifs de notre armée. À quoi bon énoncer de tels chiffres s’ils font sourire tous vos interlocuteurs, du fait de leur extravagance ?
De plus, l’OG Panzer semble quelque peu oublier que l’armée est un système complexe et que tout ne repose pas sur les seuls chars de combat principaux, loin sans faut. Par exemple, le conflit ukrainien nous montre bien qu’une force blindée sans couverture aérienne à courte portée (SHORAD ou Short range air defense) n’a que peu de chance d’arriver indemne au contact de l’ennemi. Et dans ce domaine-là, la Suisse ne brille pas, ce n’est rien de le dire. Nos 362 coûteux chars se transformeraient ainsi vite en épaves fumantes, mais les officiers des blindés auraient pu réaliser leur fantasme, merci pour eux.
Cette manœuvre permettra au contraire d’adoucir les relations avec nos partenaires allemands, autant du point de vue diplomatique qu’économique. Rappelons en effet que le gouvernement allemand, entre autres, a été passablement échaudé par la décision du Conseil fédéral de ne pas l’autoriser à réexporter les quelques 12 700 obus de 35 mm pour canons antiaériens, tandis que Rheinmetall a décidé d’investir dans toutes ses sites de production, sauf en Suisse.
Il y a donc évidemment de rapides choix à faire quant à notre politique de défense, sans quoi nous nous retrouverons rapidement sans plus aucune industrie de l’armement, ni personne pour soutenir notre cause.
Sources :
https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/2812.pdf
https://www.ogpanzer.ch/single-post/kampfpanzer-mit-5-mia-fr-investitionen-vorw%C3%A4rts
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