S’il y a bien un aspect de la guerre en Ukraine qui ne fait pas beaucoup parler de lui, c’est bien la guerre électronique (GE). Et pourtant, elle a pris une grande importance dans ce conflit, notamment par rapport aux attaques de drones, à la collecte de renseignements ou encore au brouillage des liaisons radio ennemies.
Tout d’abord, rappelons que la guerre électronique ne doit pas être confondue avec la cyberguerre, même si les deux ont tendance à de plus en plus s’entrecouper. En effet, la GE consiste à reconnaître les activités dans le spectre électromagnétique et à les perturber. « La guerre électronique regroupe donc une large gamme de prestations allant de la reconnaissance d’informations importantes pour la conduite jusqu’à la destruction de réseaux radio adverses. »
Concrètement, il s’agit « d’obtenir des informations importantes pour la politique de sécurité et l’armée en captant et en évaluant les émissions électromagnétiques. Il s’agit essentiellement d’analyser les liaisons radio sans fil afin d’identifier les émetteurs, les réseaux et les regroupements, d’établir des images radio de la situation et, le cas échéant, d’anticiper les intentions des adversaires et parties prenantes.
Pour ce qui est de sa partie offensive, la GE « consiste notamment à influencer activement le spectre électromagnétique au détriment de tiers ou au profit des propres troupes. Par exemple, une augmentation drastique de l’intensité du champ électromagnétique utilisé par l’ennemi, c’est-à-dire l’émission sur une même fréquence avec plus d’énergie électromagnétique, doit permettre de perturber durablement ou, idéalement, de rendre impossible la communication radio de l’adversaire. »
En Suisse, ce sont notamment les Groupes GE 51 et 52, placés sous la férule de la Brigade d’aide au commandement 41, elle-même sous la responsabilité du Commandement Cyber, qui sont chargés de cette mission. Ils utilisent notamment le système IFASS (Integriertes Funkaufklärungs- und Sendesystem) et ses différents équipements comme le Piranha III KOMPAK, les antennes à ondes dirigées R-905 BB et goniométriques.
Mais voilà, ces équipements datent pour la plupart de la décennie 2000 et outre leur âge, ils ne sont pas toujours disponibles en nombre suffisant. La technique et la technologie militaire ayant sensiblement changé ces 3 dernières années, les besoins sont d’autant plus criants.
Dans ce cadre, le Conseil fédéral a annoncé hier qu’il avait approuvé un protocole d’accord nommé Sawfish (scie). Celui-ci vise, dans les grandes lignes, à mutualiser des acquisitions de matériel de guerre électronique avec les Pays-Bas, qui sont les instigateurs du projet, ainsi que l’Allemagne et le Danemark. Ce dernier rejoignant le projet, comme la Suisse.
Dans un deuxième temps, la Suisse profitera également des retours d’expérience de ces autres nations. Les échanges d’informations iront évidemment dans les deux sens. La logistique ou l’instruction pourront également faire l’objet de collaboration. L’intérêt de signer ce genre d’accord est de passer des commandes groupées afin de faire baisser les prix d’acquisition. Berne reste libre de se retirer de cet accord quand bon lui semble, selon le communiqué. Si d’aventure l’une des parties se retrouvait en conflit, la Suisse pourrait ainsi mieux préserver son statut de neutre.
Cet accord, comme l’acquisition expresse de drones et de systèmes anti-drones, correspond à la nouvelle stratégie du DDPS en ce qui concerne les achats d’armement. Pour rappel, celle-ci prévoit que la Suisse achète, si possible, ses équipements à ses voisins, voire dans le reste de l’Europe.
Si le cyber et la guerre électronique sont loin d’être notre tasse de thé, force est de constater que la transformation de la Base d’aide au commandement en Commandement Cyber n’était de loin pas qu’un changement sémantique mais a de larges implications et des effets concrets, et certainement favorables, sur notre armée. Tout n’a ainsi pas été négatif lors du mandat de Viola Amherd.
Sources :
GRIMM, Micha, « La guerre électronique : renseigner et combattre dans le spectre électromagnétique » in Revue Militaire Suisse, N° thématique 2024, pp. 16-18.
Communiqué de presse du DDPS, 05.11.2025 : https://www.vbs.admin.ch/fr/newnsb/fDYPJYPPdDVIU1uaGYrls