Lors de la publication du Message sur l’Armée 2022, certains amateurs d’aviation helvète s’étaient inquiétés. En effet, cette planification intégrait la mise au rebut des derniers F-5 en service dans les Forces aériennes. La raison était que ces 25 appareils, entrée en service entre la fin des années 70 et le début des années 80, sont plus qu’obsolètes. Ils ne servent plus que pour la représentation et comme plastron, c’est-à-dire comme cibles pour les F/A-18 lors des entraînements. Il était estimé que cette mise au rebut permettrait alors d’économiser 44 millions de francs. Le Parlement avait finalement rejeté cette proposition, notamment pour des arguments purement émotionnels, la fin de la Patrouille suisse n’étant pas du goût d’une bonne partie des parlementaires bourgeois.
Aujourd’hui, les finances de l’armée sont au plus mal et la proposition revient, assez logiquement, sur le devant de la scène, par la voix de Thomas Süssli lui-même, omniprésent ces derniers jours dans les médias, notamment alémaniques. Ces aéronefs engloutissent en effet toujours une somme importante, surtout en regard de ce qu’ils apportent, somme que le DDPS n’a tout simplement plus à sa disposition. Dès lors, il est possible que la proposition soit à nouveau intégrée dans le Message sur l’Armée 2024. Outre les questions financières, il est évident que ces appareils ne rajeunissent pas et leur mise hors service interviendra bien tôt ou tard, plutôt tôt que tard, d’ailleurs. Si les élus ne prenaient pas la décision qui s’impose aujourd’hui, ils ne feraient que repousser le problème de quelques années, sans proposer de solution de remplacement qui plus est…
Si l’image de l’armée est importante, son financement l’est plus encore et l’on verrait mal qui la Patrouille pourrait motiver parmi la population civile si le reste de l’institution ne renouvelle pas rapidement son matériel. Il est malgré tout regrettable que le DDPS ait annulé les manifestations AirSpirit 24 et DEFENSE 25, ne permettant d’économiser que 3.5 millions de francs. Il aurait, à notre sens, mieux valu les conserver et proposer d’abord de mettre hors service les F-5, mais on peut se douter que l’armée souhaitait envoyer un message percutant aux élus fédéraux, tout en anticipant un nouveau refus de leur part quant au retrait des antiques avions…
Notons également que la Suisse fait partie des très rares nations à disposer de patrouille aérienne équipée d’avions de combat. En effet, toutes les grandes nations européennes volent sur avions d’entraînement. Ainsi, l’on ne pourrait guère reprocher à la Suisse de diminuer la voilure sur ce point, surtout en période de vaches maigres. D’autant plus que les Forces aériennes disposent déjà de la PC-7 Team, qui, bien qu’équipée d’aéronefs moins puissants et impressionnants, fait déjà un excellent travail de représentation. En outre, le travail de plastron est censé diminuer avec l’introduction prochaine du F-35. Et si besoin impératif il y a, alors ce ne sont pas les sociétés privées qui manquent pour offrir ce genre de prestation, et à bien moindres frais !
En définitive, nous regretterions la disparition de la Patrouille suisse telle que nous la connaissons aujourd’hui, mais il faut reconnaître qu’il s’agit d’un luxe que nous ne pouvons plus nous payer. Il serait dangereux d’hypothéquer la modernisation de notre armée pour des raisons purement émotionnelles. Bien évidemment, ce n’est pas cet objet à lui seul qui remettra le budget de l’armée sur les rails, mais il constituerait un signe que la situation est prise au sérieux, tandis que 40 millions ne sont pas une économie négligeable non plus. Quoi qu’il en soit, il serait temps que le Parlement prenne des décisions sur la base de la situation géopolitique et financière actuelle, et non sur leur petit ressenti et attachement personnel. Notre pays ne s’en portera que mieux, quel que soit le domaine.
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