La composante cyber-défense sera renforcée

Militaires en service, ©DDPS (https://www.vbs.admin.ch/fr/programme-defense-ruver)

La réforme DEVA (Développement de l’Armée) doit modifier le profil de l’armée en profondeur. Elle a commencé à le faire en 2018 et cette mise en œuvre durera jusqu’au 31 décembre 2022. L’outil de défense helvétique se trouve donc en plein processus de réforme. Malgré cela, quelques nouvelles adaptations semblent déjà nécessaires.

Pour ce faire, une modification de la loi sur l’armée et l’Organisation de l’armée doit être soumise au Parlement. L’un des grands changements que celle-ci apporte est la transformation de la Base d’aide au commandement (BAC) en commandement Cyber. Le niveau de menace dans le domaine cyber ayant largement augmenté depuis 2016, il impose à l’armée de disposer d’une structure regroupant toutes les capacités dans ce domaine, ce qui n’est pas le cas jusqu’à maintenant. De plus, « les exigences posées par le renouvellement tel qu’il est prévu de la flotte des avions de combat, de la défense sol-air et d’autres systèmes de l’armée démontrent l’importance capitale que revêt la mise en réseau de l’ensemble. Il s’agira dorénavant de pouvoir utiliser les moyens de l’armée avec précision en s’appuyant sur un réseau d’informations pertinentes. »

Ainsi, il sera logiquement et prioritairement question d’assurer la cyber-défense de l’armée, mais aussi du reste des infrastructures informatiques de la Confédération, et, de manière subsidiaire, des cantons, des communes et des entreprises et infrastructures d’importance systémique. Le commandement cyber aura également pour objectif d’échanger de manière plus approfondie avec des sociétés et organisations tierces, comme le Centre national pour la cybersécurité, Swisscom ou encore Postfinance. Enfin, il s’agira d’apporter son soutien subsidiaire aux autorités civiles (p. ex. avec des cyber-spécialistes).

La BAC n’est aujourd’hui pas étrangère à la gestion de systèmes informatiques et aux questions de cyber-défense. En effet, elle « fournit des prestations en matière de technologies de l’information et de la communication (TIC) pour le DDPS. Elle fournit la bureautique, les applications spécifiques et les systèmes d’information et de communication, les maintient en service et apporte son soutien aux utilisateurs. Elle est également le centre de compétences pour les applications ERP (Enterprise Resource Planning) au DDPS. Elle opère aussi comme centre des opérations électroniques en s’occupant de la guerre électronique, de la cryptologie et des attaques issues du cyberespace. » Mais jusqu’ici, la BAC était une organisation de soutien. Elle devra à l’avenir être une formation axée sur l’engagement.

À ces fins, un « bataillon cyber » et un état-major spécialisé seront mis sur pied dès le 1er janvier 2022. Les soldats de milice actifs dans le domaine de la sécurité informatique passeront de 206 à 575 militaires. Les effectifs du personnel professionnel n’est pas spécifié, cette information étant classifié. Le département précise toutefois que « le plan d’action en matière de cyberdéfense permettrait de les augmenter de près de la moitié ». Les miliciens seront au bénéfice d’une formation de 40 semaines, comme c’est le cas depuis 2018 et recevront ensuite le titre de spécialiste en cybersécurité avec brevet fédéral. Le DDPS étudie également la possibilité de faire comptabiliser cette formation par les universités et les EPF, au travers de crédits universitaires ECTS, de manière à pousser les étudiants disposant de compétences dans ce domaine à effectuer leur service militaire au sein du « bataillon cyber ». Cette formation sera couplée à un stage réalisé chez un partenaire externe (cantons, exploitants d’infrastructures critiques et les entreprises suisses actives dans la télématique/le domaine cyber). Si les effectifs augmentent, cela n’entraînera en revanche pas de changements au niveau du budget des forces armées.

On peut déplorer la relative lenteur du DDPS sur ce dossier, mais il faut également bien comprendre que le DDPS se trouve en compétition avec des bon nombre d’employeurs privés sur le marché du travail, et que ceux-ci offrent bien souvent de meilleures conditions de travail. En outre, le nombre de spécialistes cyber est insuffisant en Suisse, que ce soit pour les besoins du secteur privé ou public. Le DDPS espère qu’une concentration de ses ressources, compétences et prestations rendra ses offres d’emploi plus attractives. Une réflexion sur les rémunérations, les possibilités de concilier vie privée et vie professionnelle et autres « offres » seront peut-être nécessaires si la Confédération entend recruter assez de spécialistes pour assurer les missions qu’elle entend confier à son futur commandement cyber.

Pour terminer, il faut souligner que si cette adaptation est nécessaire, elle permet également à l’armée et Mme Amherd de faire de bonnes opérations de communication, en coupant l’herbe sous le pied de ses traditionnels contradicteurs. Si le DDPS s’est fait discret durant l’été, force est de constater qu’il s’est réveillé en sursaut cette semaine, avec un certain nombre d’interviews de la conseillère fédérale au sujet du F-35, puis deux conférences de presse, l’une consacrée au sujet abordé ici, et l’autre à propos des mesures prise par l’armée dans le domaine environnemental, et sur laquelle nous reviendrons. À n’en pas douter, Mme Amherd fait prendre un virage relativement « progressiste » à son département, ce qui pourrait sensiblement améliorer l’image de celui-ci auprès des jeunes générations.

Sources :

https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/68014.pdf

https://www.vtg.admin.ch/fr/organisation/bac.html