
Après le Contrôle fédéral des finances, ne restait plus qu’à la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) de remettre son rapport pour que les chambres puissent se pencher sur le programme d’armement 2022, qui comprend notamment l’acquisition de l’avion F-35 de l’américain Lockheed-Martin.
L’organe de contrôle de la chambre basse du Parlement a donc rendu ses conclusions hier, adoptées à l’unanimité de ses membres. Celles-ci indiquent notamment que le processus technique effectué par Armasuisse n’a pas semblé souffrir de dysfonctionnement et était conforme au droit. Elle signale toutefois qu’appliquer une nouvelle méthode d’évaluation à un programme aussi important impliquait un certain risque. Elle s’est en outre étonnée qu’Armasuisse rechigne à ce point à s’appuyer sur les données disponibles à l’étranger sur l’avion. Il est cependant curieux que la commission ne se soit pas penchée plus attentivement sur le volet technique. En effet, invoquant la haute technicité de l’évaluation, elle ne s’est pas prononcée sur, par exemple, la diminution de 20% des heures de vol octroyée au seul F-35. Or, il n’est pas rare que des experts externes soient mandatés pour répondre à ce genre de question, mais la CdG-N ne l’a pas fait ici. Sur ce volet, l’on a donc comme un goût d’inachevé et ce rapport ne permet de lever que partiellement les doutes.
Malgré tout, si d’un point de vue technique, l’exercice est donc globalement réussi du point de vue des parlementaires, ces derniers sont en revanche bien plus sévères à l’égard du Conseil fédéral, et notamment du DDPS et de sa cheffe, Viola Amherd. En effet, l’on comprend que le gouvernement s’est borné à se limiter à des critères purement techniques, évacuant l’aspect politique de l’acquisition. Or, l’achat d’un aéronef est, qu’on le veuille ou non, toujours un acte (géo)politique. L’on peut toutefois comprendre que l’exécutif fédéral ait privilégié cette voie, puisque c’est précisément les considérations politiques qui avaient mené au choix du Gripen, désavoué par les électeurs suisses en mai 2014. En revanche, la gestion, ou plutôt la non-gestion du dossier par Viola Amherd est clairement mis en cause. En effet, au courant dès mars du choix d’Armasuisse, elle a laissé ses collègues prendre langue avec les gouvernements étrangers, notamment français, pour discuter de contreparties politiques et financières alors qu’elle savait pertinemment que le Rafale ne serait pas choisi. En a résulté une cacophonie diplomatique et des dégâts relationnels auprès des pays voisins. Des dommages facilement évitables et dont on ne comprend que difficilement qu’ils aient pu arriver.
Quoi qu’il en soit, le dossier du F-35 peut maintenant aller de l’avant. Les chambres vont rapidement pouvoir prendre connaissance de ce rapport et se prononcer lors des deux prochaines sessions. Comme prévu, le programme d’armement 2022 devrait pouvoir être adopté dans son intégralité et le contrat signé avant l’échéance de l’offre en mars prochain.
Enfin, il est « amusant » de constater que la RTS a totalement déformé les propos de ce rapport, indiquant notamment que « le Conseil fédéral n’a pas choisi la meilleure option dans le cadre de l’achat des nouveaux avions de combat F-35 ». Au vu de ce qui précède, ce n’est évidemment pas ce que dit le rapport, mais il semblerait encore une fois que la Radio-Télévision Suisse ait choisit son camp…
Sources :
https://www.parlament.ch/press-releases/Pages/mm-gpk-n-2022-09-09.aspx?lang=1036
https://www.letemps.ch/suisse/f35a-commission-gestion-neclaire-moitie-question