Journée d’information obligatoire pour les femmes : la consultation est ouverte

La lieutenant Marion Raemy en train de profiter d'une pause bien mérité. Merci à elle pour la photo et l'engagement!

Comme l’armée et la Protection civile (PCi) le répètent fréquemment, compléter les effectifs est ou va devenir une gageure. C’est déjà le cas au sein de la seconde. En effet, elle comptait 57 000 incorporés en début d’année, alors que les objectifs établis en 2015 étaient de 72 000 personnes. Des estimations envisagent même que ce nombre tombera à 50 000 en 2030 si aucune correction n’est apportée jusque-là. Cela est notamment dû au fait que les critères de sélection pour rejoindre l’armée ont été assouplis, siphonnant de ce fait le réservoir de personnel susceptible de rejoindre la PCi.

Pour l’armée aussi, la situation est tendue, même si les difficultés sont moins immédiates. En effet, elle peut actuellement compter sur 147 000 militaires, alors que l’effectif réel est fixé à 140 000. Mais plus de 6000 astreints la quittent chaque année pour rejoindre le service civil, tandis que 5000 autres jeunes sont renvoyés pour différentes raisons, notamment médicales. En outre, deux classes d’âge devront être libérées en même temps en 2028 et 2029, du fait de la réforme DEVA datant du milieu des années 2010.

De ce fait, les officiers anticipent déjà une pénurie de personnel, qui devrait amener les effectifs à 125 000 militaires vers 2029. Cela accentuera encore les défis dans le domaine de la formation. En effet, organiser un cours de répétition avec des unités incomplètes ne permet pas de s’exercer de manière correcte et réaliste, sans parler de capacité à durer.

Différentes mesures ont déjà été prises pour enrayer ces déficits mais aucune n’a semblé donner des résultats significatifs. Citons par exemple une communication améliorée, des soutiens financiers valables dans des formations civiles pour les personnes faisant de l’avancement, des modules de formation reconnus dans le civil voire dans les universités et hautes écoles, des jours de congé minimaux, etc.

L’Assemblée fédérale a décidé cette année de rendre plus difficile l’accès au service civil, mais la mesure risque d’être combattue en référendum. Les textes actuellement en discussion devraient également aboutir à une flexibilisation de la durée des écoles de recrues selon les besoins et sur la mise sur pied de cours de répétition à la journée, mais aussi à la création des troupes légères avec cours de répétition de deux semaines. D’autres mesures ne demandant pas de modifications législatives sont également prévues, telles que des visites organisées pour les écoles professionnelles.

Bien évidemment, ces dispositions à elles seules ne devraient pas suffire à combler le déficit en personnel. C’est pourquoi le Conseil fédéral se penche depuis janvier dernier sur l’introduction d’une obligation de participer à la journée d’information pour les femmes. Cela concernerait annuellement 35 000 femmes. Actuellement, seules 1200 d’entre elles y participent et il n’y a que 1.7% des troupes qui sont constituées de femmes, soit moins de 2500. Une récente étude a montré que 25% des jeunes femmes seraient d’accord de servir mais qu’elles manquent de renseignements pour se lancer. Dans ce cadre, rendre la journée d’information obligatoire ne paraît pas impertinent et permettrait de mobiliser un potentiel intéressant, sans mettre en place de longues et coûteuses réformes. De plus, l’armée s’assurerait de disposer de personnes relativement motivées, puisque volontaires.

La mesure devrait coûter un peu plus de 3 millions de francs, en majorité à la charge des cantons, afin de mettre en place des infrastructures dédiées (chambres et vestiaires séparés) et recruter un peu de personnel supplémentaire. Diverses lois (loi sur l’armée, code pénal militaire, loi fédérale sur les systèmes d’information de l’armée et du DDPS et loi fédérale sur la protection de la population et sur la protection civile) devront également être adaptées. Plus encore, la Constitution elle-même devra être modifiée, ce qui implique un référendum obligatoire sur la question. Si le peuple et les cantons devaient donner leur feu vert à cette modification, le Conseil fédéral estime qu’elle devrait prendre effet au 1er janvier 2030.

Mais nous n’en sommes pas encore là. Pour l’instant, la Confédération n’en est qu’à la phase de consultation des différents acteurs, notamment les cantons, les organisations économiques et de la société civile, etc. Le lancement de cette procédure en pleine campagne sur l’initiative « service citoyen » n’est peut-être pas innocent. Cela pourrait viser à montrer que le Conseil fédéral n’est pas inactif sur la question de l’alimentation en effectifs de l’armée, mais qu’il préfère y aller par paliers plutôt que d’imposer un service universel.

Si cette mesure nous paraît pertinente, elle suscitera malgré tout la grogne des antimilitaristes, évidemment, mais aussi des femmes, qui rechignent à se voir imposer une nouvelle obligation. Rien que de bien compréhensible. En outre, l’armée n’est pas au faîte de sa réputation et il faudra déployer des trésors de communication pour convaincre la population de l’utilité de cette mesure, malgré le contexte géopolitique.

Sources :

Communiqué de presse du DDPS, 08.11.2024 : https://www.news.admin.ch/fr/nsb?id=103073

Communiqué de presse du DDPS, 12.11.2025 : https://www.vbs.admin.ch/fr/newnsb/KBobowtxzfNWLMAuOjETY

Rapport explicatif « Instauration d’une journée d’information obligatoire pour les Suissesses : révision partielle de la Constitution et des dispositions légales associées, 12.11.2025 : https://cms.news.admin.ch/dam/fr/der-schweizerische-bundesrat/Y-Kd9oc4lSo8/Rapport_explicatif_journee_d_information_obligatoire_Suissesses.pdf