Des hélicoptères lourds pour les forces aériennes ?

CH-47 Chinook et CH-53 Stallion, @DefenseNews (https://www.defensenews.com/opinion/commentary/2020/02/03/replacing-us-marines-ch-53k-helos-with-ch-47f-choppers-is-a-poor-idea/)

Il y a de cela quelques jours, la RTS a fait mention d’un rapport parlant du remplacement futur de la flotte d’hélicoptères de transport des Forces aériennes suisses. Si nous remercions les journalistes des chaînes publiques pour avoir mis en lumière ce court papier qui était passé sous les radars (hohoho), ce n’est en réalité pas son principal sujet. Il est d’ailleurs dommage que ceux-ci, ainsi que les intervenants à la radio (Olivier Français, conseiller aux États PLR vaudois et Pierre-Alain Fridez, conseiller national socialiste), ne l’aient pas mentionné, car il avance quelques pistes pour que la Suisse s’investisse plus dans les missions de promotions de la paix.

Voici donc, en résumé, ce que dit cette rapide analyse. En premier lieu, il convient de préciser qu’il s’agit de propositions visant à mettre en œuvre des recommandations faites dans un rapport daté du 9 novembre 2020, et qui vise au développement de la promotion militaire de la paix. Un rapport sur le rapport, en somme. Qui a dit que l’on s’ennuyait, au sein de l’administration fédérale ?

Il décline 8 recommandations sur 12 pages. La majeure partie de celles-ci ont pour objectif de fournir à l’armée suisse assez de personnel à même d’effectuer des missions de promotion de la paix à l’étranger. En effet, ces engagements nécessitent évidemment des compétences qui ne se trouvent pas forcément dans le civil, voire dans le milieu militaire « classique ». Les personnes disposant de ces savoir-faire sont donc précieuses et leur formation revêt une grande importance.

Ainsi, il est question de proposer une formation militaire spéciale pour les femmes. Celles-ci pourraient, en lieu et place d’une école de recrues, effectuer une formation « internationale », sous forme d’engagement à l’étranger dans un contingent suisse (donc très probablement la Swisscoy) avant d’effectuer de l’avancement, puisqu’un grade d’officier est nécessaire pour les missions d’observation et d’expert militaire de l’ONU. Le besoin en personnel féminin est d’autant plus important que l’ONU demande que les contingents en uniforme comprennent 15% de personnel féminin. Cette proportion montera à 25% d’ici 2028. Actuellement, ce taux se monte à 6 à 8% pour les contingents suisses, raison pour laquelle la Confédération s’est déjà vu retirer des postes. Un travail important devra donc être fourni sur ce point.

Ce rapport mentionne également d’autres mesures moins importantes, comme l’envoi de personnel armé, ou la prolongation de la formation et de l’engagement pour certaines fonctions spécifiques. Il propose également de mettre à disposition de l’ONU des contingents dans le cadre du système de disponibilité « Peacekeeping Capability Readiness System » (PCRS). Le document du DDPS indique que « En été 2021, la Suisse a annoncé trois contributions de contingent de la taille d’une compagnie dans le PCRS : une compagnie d’infanterie, une compagnie de sapeurs ainsi qu’une compagnie combinée de sapeurs/sapeurs de chars. Il s’agit d’unités dont on peut supposer qu’elles peuvent être alimentées en personnel avec la milice dans une large mesure et, le cas échéant, pendant des années avec la qualité requise. Toutes ces unités effectueraient leur engagement, qui devrait être autorisé par l’Assemblée fédérale, en étant armées. »

Il ajoute également que « L’inscription n’engage pas à un déploiement concret, et aucun n’est actuellement prévu. L’inscription des trois unités marque le début des échanges techniques avec le quartier général de l’ONU, qui doivent permettre de clarifier les questions relatives à l’équipement, au concept de formation, aux aspects d’approvisionnement et de logistique, etc. Il s’agit ainsi de s’assurer que les contributions suisses sont compatibles avec le système de l’ONU. »

Les deux points concernant le matériel portent donc sur les hélicoptères, mais également sur les drones. En ce qui concerne les premiers, l’armée dispose actuellement de 24 hélicoptères de transport moyen cougar/super puma qui devront être remplacés d’ici la fin de la décennie. Il est apparemment envisagé (mais non décidé) de remplacer une partie de ceux-ci par 6 modèles de transport lourd, pour 600 millions de francs. Le DDPS juge qu’il faudrait 6 à 7 ans entre l’approbation du programme et la disponibilité opérationnelle de la flotte. Au vu des importants investissements nécessaires ailleurs (Air2030, besoins des Forces terrestres), les volumes financiers à disposition pour ce programme de remplacement ne sont actuellement pas connus, et détermineront donc certainement la politique du DDPS sur cet objet.

Comme Olivier Français l’a souligné dans l’émission radiophonique « La matinale », il n’est pas sûr que cette acquisition soit pleinement justifiée. Comme nous l’avions dit lors de l’intervention de trois hélicoptères suisses en Grèce, il semblerait plus pertinent que cet argent soit consacré à l’acquisition d’avions de transport militaire, pour lesquels la pandémie et d’autres événements ont montré l’utilité. En outre, hélicoptères lourds comme avions de transport seraient acquis en petite quantité. Or les micro-flottes coûtent cher à l’entretien. Il est donc peu probable que le DDPS ait les moyens de financer l’un et l’autre et nous sommes d’avis que si un arbitrage devait être fait entre les deux options, alors les avions de transport seraient plus pertinents. Quoi qu’il en soit, il n’est pas à l’ordre du jour d’acheter des avions de transport, tandis que la décision concernant les hélicoptères lourds est très loin d’être prise.

Pour ce qui est des drones, le département de la défense estime qu’il serait possible de déployer un drone ADS15 à l’étranger d’ici 2024 sans que cela n’obère les capacités en Suisse. Le rapport indique que « L’armée profiterait aussi indirectement d’un engagement à l’étranger avec des drones, d’autant plus qu’il en résulterait la création d’un personnel supplémentaire ayant l’expérience de l’engagement, qui pourrait, en cas de crise ou de conflit, augmenter la disponibilité opérationnelle et la capacité à durer des drones engagés en Suisse. »

Malgré tout, l’ONU aurait besoin de personnels sachant analyser les images obtenues par les drones, plus que des drones eux-mêmes. Ces militaires peuvent être recrutés parmi la milice et être mis à disposition de l’ONU, après une formation d’évaluateur de drones de 19 semaines.

Enfin, le rapport propose de participer à des missions de formation de l’Union européenne, puisque Trois des six opérations militaires de gestion de crise menées actuellement par l’UE sont des missions de formation (EUTM Mali, RCA et Somalie). Le but serait donc de voir comment, au regard du droit, la Suisse pourrait participer à ces missions visant à former du personnel indigène, avec l’accord des gouvernement locaux. L’UE elle-même s’est déjà déclarée intéressée par une participation de la Suisse.

Toutes ces recommandations seront encore analysées, et mises en œuvre dans la mesure du possible. Un nouveau rapport analysant les progrès réalisés (ou non) sera fait au Conseil fédéral à fin 2023. L’occasion de faire un rapport sur le rapport sur le rapport sur le rapport, etc. vous avez compris la chose.

Sources :

https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/69652.pdf

https://www.rts.ch/audio-podcast/2021/audio/l-armee-suisse-planche-aussi-sur-le-renouvellement-de-ses-helicopteres-25789617.html