Demandeeeeez le programme (d’armement 2025) ! (partie ½)

AGM sur le Piranha IV 10X10 HMC — © VBS/DDPS

Même si la nouvelle est passée quelque peu inaperçu au milieu du Maëlstrom d’annonces et de scandales au sein du DDPS, le Message sur l’armée 2025 a été dévoilé cette semaine. Même s’il comprend toujours trois volets, ce ne sont plus tout à fait les mêmes que précédemment. En effet, jusqu’ici, le Message sur l’armée comprenait le Programme d’armement (PA), le programme immobilier (PI) et les acquisitions de matériel de moindre envergure (consommables, munitions, tenues, etc.). Ce dernier élément ne sera plus soumis que tous les 4 ans au Parlement, permettant d’avoir une vue à plus long terme, mais moins de flexibilité. Il se voit donc remplacé cette année par un arrêt sur la mise hors service des derniers F-5. Nous nous pencherons aujourd’hui sur les grosses acquisitions terrestres du Programme d’armement, parce qu’il y a des gros canons et qu’on aime bien ça. Pan ! Pan ! Boum ! Boum !

Donc, comme annoncé et attendu, le DDPS a enfin lancé l’acquisition du système d’artillerie AGM monté sur Piranha IV 10X10 HMC. Seulement 32 systèmes seront acquis. Cela permettra d’équiper deux groupes d’artillerie. Il semble bien évident qu’il faudra effectuer une acquisition complémentaire, puisque 32 tubes permettent probablement tout juste de former la milice à utiliser le système, en comptant la maintenance. De plus, la guerre en Ukraine a bien montré que la masse était une caractéristique des plus importantes. Et cela d’autant plus que ce système nécessitera un entretien bien plus soutenu que les M109 qu’il remplace, la faute à un important degré d’automatisation de l’engin. Le département parle cependant plutôt de munition rôdeuse, de drone armée (quand elle arrivera à en faire voler un…) et de lance-missile à moyenne portée pour compléter l’artillerie helvète.

En outre, il en coûtera la bagatelle de 850 millions de francs, soit 26.5 millions par pièce. Le DDPS précise que le coût de ces systèmes a considérablement augmenté depuis les premières évaluations, notamment du fait du conflit en cours, dans un ordre de grandeur de 40%. La guerre en Ukraine sert-elle de cache-misère à un énième souci de gestion de programme de l’armée ? Le DDPS effectue-t-il une nouvelle opération de soutien indirect à Mowag, comme l’était la rénovation des DURO ? Toujours est-il que, selon le site français Meta-Défense, l’obusier français CAESAR coûterait environ 4 millions d’euros l’unité, tandis que ses concurrents directs, dont le RCH sur châssis Boxer ou l’Archer suédois seraient 3 à 4 fois plus chers. Dans tous les cas, l’on est loin des sommes articulées pour les systèmes suisses. Bien évidemment, les systèmes suisses ne sont pas achetés nus, mais seront accompagnés de munitions, de véhicules de transport de munitions dont la nature n’est pas spécifiée, de moyens d’instruction et que ces éléments externes modifient passablement les montants des contrats d’armement. Quoi qu’il en soit, difficile de ne pas être méfiant envers Armasuisse dans le contexte actuel. Les premiers AGM devraient être livrés dans cinq ans seulement, les cahiers de commandes des industriels européens étant bien remplis et la Suisse ne doit certainement pas figurer dans la liste des clients prioritaires.

290 millions de francs seront consacrés au maintien de la valeur d’une partie des chars de combat Leopard II A4 (Pz 87), des chars du génie Büffel (B Pz Büffel Leopard 01) et des chars du génie et de déminage (char G/demin Leopard Kodiak). Il s’agira de procéder à la révision d’environ 80 boîtes de vitesse, de procéder au remplacement de différentes pièces mécaniques, de remplacer les calculateurs de conduite de tir et d’améliorer le système d’armement, permettant de tirer des nouvelles munitions. Concernant spécifique les Büffel, le système de vision nocturne sera remplacé, tandis qu’un système d’assistance à la marche arrière, nécessaire aux manœuvres de dépannage, sera installé. Pour rappel, la Suisse a actuellement en service 134 chars Leopard II, 12 chars Kodiak, 25 Büffel et 12 chars poseurs de pont Brü Pz Leo également montés sur châssis Leopard II. À cela s’ajoutent 71 chars mis en réserve, qui seraient en relativement mauvais état et demanderaient d’importants investissements pour être remis en service.

Si la Suisse dispose d’un nombre impressionnant de blindés lourds par rapport à la taille du pays, ceux-ci sont relativement vieillissants et nécessitent de coûteuses rénovations pour conserver leur plein potentiel au combat. La rénovation proposée ici ne concerne qu’une petite partie du parc et ne permet pratiquement rien d’autre que continuer d’utiliser la flotte existante dans ses possibilités actuelles. Même limité, cet entretien durera jusqu’en 2031.

La troupe verra également ses moyens de reconnaissance être renforcés, avec des mini-drones Black Hornet 4 PRS. Ceux-ci sont déjà utilisés depuis 2019, mais en nombre limité. Cette dotation plus importante reviendra à 30 millions et devrait s’achever dans les deux ans. La dernière acquisition concerne cette fois les forces aériennes, avec l’achat de nouveaux radars passifs pour 80 millions de francs. Là également, il s’agit de compléter le parc d’un système acquis en 2021 en faible quantité. Ces radars permettent notamment de détecter des objets ayant une faible signature radars et sont plus discrets que les radars actifs, n’émettant pas de signaux. Ils sont en outre légers et donc mobiles, et peuvent être installés sur des plateformes civiles déjà en service au sein de l’armée.

Comme indiqué en préambule, le département de la défense demande également, et à nouveau, la mise hors service des derniers 25 F-5 servant notamment à la Patrouille suisse. Cela permettra d’économiser 28 millions de francs annuels. Nous ne nous étendons pas plus sur le sujet, l’ayant déjà traité à plusieurs reprises.

On le voit, cette première partie du Programme d’armement 2025 met l’accent sur la composante lourde de l’armée, à savoir les outils des brigades blindées. Seulement, et malgré les 1,140 milliards de franc d’investissement proposé, l’effet sera somme toute mesuré sur les capacités de notre défense. Cela permet à ceux qui en doutaient encore de se rendre compte des besoins financiers colossaux nécessaires à la remise en état de notre armée.

Sources :

https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/91994.pdf

https://meta-defense.fr/2024/10/23/caesar-artillerie-mobile-ukraine/#une-alternative-economique-et-efficace-au-retrait-inevitable-de-lartillerie-tractee

https://www.avianews.ch/post/nano-drones-black-hornet-pour-les-forces-terrestres

https://www.ogpanzer.ch/single-post/nzzas-reaktivierung-der-stillgelegten-leopard-panzer

BÜHLER, Stefan, LÖRTSCHER, Philippe, « Think tank 2023 : montée en puissance des forces lourdes », in Revue Militaire Suisse, N°2, 2024, pp. 32-34.