
Après une petite absence forcée pour laquelle nous nous excusons, nous revoici ! Malheureusement, ce n’est guère avec de bonnes nouvelles…
Comme décidé par le Conseil des États lors de la session d’automne dernier, le fabricant de munitions RUAG Ammotec, aux mains de la Confédération, devrait être vendu à une entreprise privée. Si l’UDC Werner Salzmann (UDC, BE) avait largement milité contre cette vente, tous ne partageaient pas ses vues. Ruedi Noser (PS, ZH) avait par exemple argué que même une industrie nationale n’empêche pas les pénuries. Josef Dittli (PLR, UR) s’était quant à lui déclaré certain que le site de Thoune serait maintenu, car l’entreprise avait récemment investi sur celui-ci. Enfin, plusieurs conseillers aux États ont soutenu que la fabrication de munitions de petit calibre n’était finalement pas si importante que cela pour l’indépendance du pays, que les stocks étaient suffisants, qu’il serait facile de remettre en place des lignes de production et autres réflexions du genre, dont on laissera bien évidemment la responsabilité à ceux qui les ont faites.
En outre, il avait été indiqué par Ueli Maurer que la Confédération privilégierait les acheteurs nationaux. Or, ce n’est pas vers ce scénario que Conseil fédéral semble aujourd’hui s’acheminer. En effet, le média en ligne tippinpoint.ch a révélé que l’entreprise italienne Beretta semblait être privilégiée, devant la norvégienne Nammo et les tchèques Czechoslovak Group, et CZ Group.
Si cela devait se concrétiser, alors nous nous orienterions dans une direction pour le moins peu rassurante, et les belles paroles des élus (très majoritairement de droite au Conseil des États) risqueraient de voler bien vite en éclat. Si nous nous étions permis de modérer les inquiétudes cet automne, ne sachant pas encore vers quoi la situation allait tendre, il est aujourd’hui clair que cette industrie de pointe ne va pas rester en mains suisses. Outre le fait de se passer de 40 millions de bénéfice par année, cette vente pose bien évidemment les questions de la souveraineté industrielle de la Suisse, du maintien des emplois sur le sol national, des implications juridiques d’une telle cession (quel droit s’appliquera lors des ventes ?) et de la vision globale de nos représentant en termes de politiques de sécurité. D’autant plus que la pandémie nous a montré avec force les problèmes qu’ont posé la délocalisation et libéralisation à outrance.
La droite qui se targue, en tout cas dans ses discours, de vouloir l’indépendance de notre pays et les ressources pour notre armée, serait-elle prête à liquider nos rares industries militaires sur l’autel du libéralisme ? À l’évidence, oui. L’on ne se gênera d’ailleurs pas de rappeler les arguments invoqués par ces mêmes politiciens en novembre 2020 durant la votation sur l’interdiction du financement des producteurs de matériel de guerre. En effet, à l’époque, ceux-ci n’hésitaient pas à dire qu’il était absolument impératif pour notre indépendance de préserver l’industrie de défense la plus large possible sur notre sol. Des arguments manifestement bien vite oubliés.
Espérons donc que nos craintes ne se concrétisent pas et que Beretta, s’il elle acquiert effectivement RUAG Ammotec, aura la gentillesse de bien vouloir pérenniser ces usines et les emplois qui vont avec sur notre sol.
Sources :
Allgemeine Schweizerische Militärzeitschrift – juin 2021 « Démarrage sous-optimal »
https://www.letemps.ch/suisse/berne/fabrique-munitions-ruag-sera-vendue-une-entreprise-etrangere
https://tippinpoint.ch/artikel/75682/heikler_verkauf_der_ruag-munitionsfabrik_ins_ausland.html