Des capacités ou bonnes pratiques ayant été perdues ou oubliées depuis la fin de la Guerre froide au sein des armées européennes, on en trouve à la pelle : combat de haute intensité, stocks de matériel suffisant pour tenir sur la durée, production d’équipement en grande quantité et à faible coût ou encore mobilisation de la société dans son ensemble.
L’un de ces réflexes ayant été passablement émoussé ces dernières décennies est celui du camouflage. Pourtant, la chose n’est guère nouvelle et les armées de la Première Guerre mondiale avaient déjà toutes mis en place de nombreuses mesures afin d’éviter de faire repérer les préparatifs de manœuvre par l’aviation ennemie.
Le conflit en Ukraine, avec la multiplication des capteurs de reconnaissance qu’elle a impliqué (drones légers et lourds, avions, images satellites, etc.), a largement remis en avant le besoin de rendre ses troupes les plus discrètes possibles. Le champ de bataille ayant tendance à devenir très transparent, le camouflage des soldats, véhicules et équipements est devenu une question de survie, entre autres pratiques comme la dispersion des troupes.
Si le conflit à l’Est n’annonce pas forcément le visage de toutes les guerres à venir, notamment en raison de l’immobilisation du front qui y est la règle depuis maintenant 3 ans, nombre d’enseignements doivent en être tirés.
C’est sur cette base que l’Office fédéral de l’armement a entrepris d’acquérir de nouveaux systèmes de camouflage multispectraux. Qu’entend-on par-là ? Eh bien que ces tissus ne procureront pas qu’un masque visuel, mais agiront également dans le spectre électromagnétique (ondes radar), infrarouge ou même thermique.
Afin de disposer ces équipements, Armasuisse en a testé plusieurs entre juillet et septembre à Thoune et à Bure, puis a décidé de confier le mandat à trois entreprises : Saro GmbH (Hechingen, Allemagne), Saab Barracuda AB (Gamleby, Suède mais avec une succursale à Thoune) et SSZ Camouflage AG (Zoug, Suisse). Il y a toutefois une réserve sur cette dernière car le produit proposé n’a manifestement pas encore été déclaré opérationnel.
Si un seul de ces industriels n’a pas été sélectionné pour fournir tout le matériel, c’est notamment parce que les évaluations ont montré que leurs produits étaient différents et complémentaires, comme l’explique le communiqué du DDPS. Ainsi, la combinaison des trois offrira une meilleure protection. L’on peut également se demander si la forte demande européenne n’a pas poussé l’armée à multiplier les fournisseurs dans le but de s’éviter des délais de livraison trop longs.
Comme elle le fait maintenant systématiquement, la Confédération précise que ces acquisitions entrent parfaitement dans le cadre établi par sa nouvelle stratégie d’acquisition, à savoir acheter en priorité en Suisse, puis dans les pays voisins, et enfin dans le reste de l’Europe et du monde.
Il n’a pas été précisé dans quelle temporalité ces camouflages devoivent être livrés ni l’ampleur des montants. Ces éléments seront peut-être intégrés au Message sur l’armée 2026. Quoi qu’il en soit, cet élément, bien que modeste, est une bonne chose pour nos troupes. Ce genre de petites mesures constitue à notre sens un signe que le DDPS tâche de rattraper son retard. Elles permettent de montrer concrètement aux conscrits que notre armée se modernise malgré tout et déploient leurs effets bien plus concrètement que les gros programmes qui s’étalent sur des années voire des décennies et enchaînent surcoûts et retards.
Sources :
Communiqué de presse du DDPS, 10.11.2025 : https://www.vbs.admin.ch/fr/newnsb/8VGByfxOGkaKFvO32qEOi
Communiqué de presse du DDPS, 17.06.2025 : https://www.news.admin.ch/fr/newnsb/40hE4TvnFhS-
Page de présentation des produits de SSZ Camouflage AG : https://ssz-camouflage.ch/de/produkte-uebersicht/mob_tarnung/mmcc