
Voilà un sujet de longue haleine pour nos forces aériennes… et que nous n’avons jusqu’ici pas traité, faute de temps. Nous allons donc de ce pas corriger cet impair.
En effet, cela fait maintenant depuis plus de 15 ans que la Confédération souhaite s’équiper d’un système de défense anti-aérienne à moyenne portée (DSA MP). Des examens avaient été réalisés dans ce cadre en 2007 ( !), 2010, 2011 et 2013. L’objectif était que le Parlement puisse se prononcer sur ce projet en 2020. Ce n’est donc rien de dire que l’objectif n’a pas été rempli. Cela est notamment dû au bref passage de Guy Parmelin au DDPS. Celui-ci a communiqué le 22 mars 2016 que le projet allait être gelé, ayant eu le sentiment de ne pas être suffisamment informé sur la question. Drôle de justification, comme l’ont conclu les deux commissions de gestion du Parlement. Mais pour être honnête, il semblerait que cette rare décision forte n’était pas des plus mauvaises, le département, comme nous le signalons fréquemment, n’ayant probablement pas les ressources humaines pour gérer en même temps l’acquisition de la DSA MP, celle de nouvel avion de combat et de la DSA LP, tous des projets fort complexes.
Quoi qu’il en soit, il ne fut plus guère question de cette acquisition jusqu’à l’année dernière, même si les travaux continuaient, discrètement. En effet, l’augmentation des moyens financiers accordés à l’armée ont alors enfin permis, tout au plus théoriquement, d’augmenter le nombre de projets d’acquisition en cours. C’est donc assez naturellement que la DSA MP a été ressortie des tiroirs. Les documents étaient prêts et la guerre en Ukraine a montré à quel point les défenses anti-aériennes étaient primordiales.
C’est ainsi qu’en 2024, le Conseil des États a souhaité rajouter une ligne de 660 millions de francs au Programme d’armement, qui était relativement chiche l’année dernière et ne comptait que pour 490 millions de francs de projets. Malgré la désapprobation de la gauche et du Conseil fédéral, pour qui les finances fédérales ne le permettaient pas, le Parlement a approuvé le Message sur l’armée 2024, avec le projet DSA MP.
Armasuisse s’est donc rapidement remis au travail et a émis fin avril 2024 déjà un appel d’offres à destination des trois fabricants à même d’y répondre : l’européen MBDA avec le CAMM-ER, le norvégien Kongsberg et son NASAMS et l’allemand Diehl proposant son IRIS-T. Cependant, les deux premiers n’ont pas souhaité y répondre. La communication officielle fait état d’un délai de réponse jugé trop court par les deux industriels. D’autres évoquent le fait que MBDA et Kongsberg se savaient d’avance perdants du fait de quelques faiblesses de leurs systèmes. Enfin, il est également dit que la participation de la Suisse à l’European Sky Shield Initiative (ESSI), dont la demande d’adhésion de la part de la Suisse a officiellement été envoyée en juillet 2024 puis signée par le Conseil fédéral en octobre, pipait les dés dès le départ, cette organisation étant parfois vue comme un outil visant à favoriser les systèmes allemands Skyranger et IRIS-T.
Malgré ce manque de concurrence, Armasuisse a décidé d’aller de l’avant et a donc présélectionné le système allemand. Les essais continuent et c’est ainsi qu’Armasuisse a indiqué le 11 avril dernier avoir testé le radar TRML-4D de l’allemand Hensoldt. Ces essais se sont déroulés en Suisse, à l’aérodrome d’Emmen et sur le Homberg, de manière à voir comment le système réagissait face à la topographie helvète. Une fois n’est pas coutume, il semblerait que les choses se déroulent selon le calendrier prévu, le contrat d’acquisition devant être signé durant le 3ème trimestre 2025. Il faut toutefois noter que, comme bien souvent, c’est lorsqu’il s’agira d’intégrer l’IRIS-T et ses capteurs à l’informatique du DDPS que les choses risquent de se corser. On ne demande qu’à être contredit.
Force est de constater que l’armée aura une défense anti-aérienne considérablement renforcée d’ici la fin de la décennie avec la mise en service des DSA MP de Diehl et LP avec le Patriot, si, encore une fois, tout se passe selon le calendrier prévu. En revanche, les systèmes antiaériens à courte portée Stinger et canon antiaériens de 35 mm doivent être retirés du service en 2032 sans que le département n’ait pour l’instant communiqué quoi que ce soit au sujet de leur remplacement. La fabrication des tourelle Skyranger de 35mm ayant en partie été délocalisée dans le nord de l’Italie, du fait de la législation suisse sur les exportations d’armes, il serait de bon augure que la Confédération en acquiert dans des délais relativement brefs, de manière à préserver au moins provisoirement cette industrie dans notre pays.
Sources :
https://www.parlament.ch/centers/documents/fr/bericht-gpk-bodluv-2017-01-27-f.pdf
https://anneepolitique.swiss/fr/prozesse/67622-message-sur-l-armee-2024-mcf-24-025
https://www.news.admin.ch/fr/nsb?id=101767
https://www.vbs.admin.ch/fr/nsb?id=102847
https://www.avianews.ch/post/air-2030-l-iris-slm-reste-en-course
https://www.vbs.admin.ch/fr/nsb?id=105630
https://www.vbs.admin.ch/fr/projet-defense-sol-air-moyenne-portee