Conseiller d’État en charge de la sécurité: définition

Cours de répétition 2024 du bataillon de sauvetage 1 à Janvier Wangen an der Aare, @Vassilis Venizelos

Le Conseiller d’État écologiste Vassilis Venizelos a la charge, entre autres, de la sécurité dans le Canton de Vaud depuis le 1er juillet 2022. Dans ce cadre, le Service de la Sécurité Civile et Militaire (SSCM) est sous sa férule. À ce titre, il est également membre de la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP) et de la Conférence gouvernementale des affaires militaires, de la protection civile et des sapeurs-pompiers (CG MPS) et a officié comme membre de la commission chargée de sélectionner des papables au poste de Chef de l’armée à présenter à Martin Pfister.

C’est notamment du fait de ce dernier élément que nous avons cherché à en savoir plus sur son parcours personnel en lien avec les questions qui sont les nôtres, son rôle et celui du SSCM, ainsi que la manière dont il a participé à la commission susmentionnée.

Qu’il soit vivement remercié de nous avoir accordé quelques minutes de son temps pour répondre à nos questions.

Ces quelques éléments étant précisés, place à cet entretien !

M. le Conseiller d’État, vous qui êtes en charge de la sécurité dans notre canton, avez-vous une expérience dans ce domaine ? Je pense notamment au service militaire.

Non, je suis objecteur de conscience. J’ai officié dans diverses institutions comme Expo02 (dans la ville d’Yverdon, où il résidait et réside encore, NDLR). En fait, j’avais initialement été retenu comme soldat météorologue. Il s’agissait d’une fonction assez rare et seules 2 personnes étaient sélectionnées chaque année. Mais après le recrutement a suivi un voyage qui m’a permis de réfléchir. Au retour, j’ai renoncé au service militaire et me suis tourné vers le service civil.

Pour quelles raisons n’avez-vous pas effectué le service militaire ?

Dans ma famille, on a connu la guerre. Mes grands-parents ont été confrontés aux deux conflits mondiaux alors que mon père a été touché par la guerre gréco-turque de 1974 au sujet de Chypre. Cet historique familial m’a beaucoup touché et m’a amené à penser que je souhaitais servir mon pays d’une autre façon

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur cette décision ? Vous referiez la même chose dans le contexte actuel ?

Je prendrais la même décision, oui. Car j’aime servir mon pays, même si ce n’est pas sous les drapeaux. On oublie parfois que le service civil est aussi un acte citoyen accompli au profit du pays.

Cela a-t-il influencé votre perception des institutions de défense ou votre manière d’aborder la sécurité publique ?

Aucunement. À cet âge, plusieurs de mes amis avaient effectué leur service, parfois à des grades élevés. Même si je n’ai pas l’expérience personnelle, nos échanges nourris m’ont permis de comprendre très tôt les enjeux liés à l’armée.

Certains ironisent sur le fait que les départements de la sécurité, dans les exécutifs cantonaux, reviennent souvent à des élus de gauche, comme Vara à Neuchâtel ou Kast à Genève. Faut-il y voir un paradoxe ou une forme de complémentarité ?

Il y a eu des personnes de droite avant moi, et je pense par exemple à Mme De Quattro. Cela étant dit, mon département est très vaste. Il y a des politiques publiques qui, de prime abord, peuvent paraître protéiformes mais il y a un fil conducteur : les missions protectrices de l’Etat. La protection des enfants avec la jeunesse, la protection de l’environnement et la protection de la population avec la sécurité. Ces missions m’accompagnent dans mon travail quotidien. La question des dangers naturels touche par exemple toutes ces questions et nous avons pu tester l’imbrication de toutes ces politiques publiques lors des inondations à Aigle en 2024, avec le risque de crue du Rhône sur notre territoire.

À cette occasion, j’ai pu constater la très bonne coordination entre les différents services, issus de cultures de travail parfois différentes mais qui sont complémentaires

Quel est précisément le rôle du Service de la sécurité civile et militaire dans le dispositif vaudois ?

Globalement, il administre l’obligation de servir au niveau local. Plus précisément, le SSCM fait appliquer le droit militaire fédéral, contrôle les activités des différents organismes et sociétés dont il est responsable, perçoit la taxe d’exemption, procède au recrutement des conscrits, gère les données des astreints, procède à la libération des obligations militaires et au rétablissement du matériel, entretient les relations entre les bataillons parrainés par le Canton et celui-ci, octroie les autorisations d’exploiter pour les stands de tir, se coordonne avec les communes sur les questions de sécurité et prend position sur celles-ci au niveau fédéral.

Quel est son budget ?

Environ 35 millions au budget 2026.

Ce service a-t-il été renforcé depuis le début de la guerre en Ukraine ?

Non, mais il a été mis à contribution pour gérer les aspects collatéraux comme la migration (avec EMCC et PCi notamment), le risque de pénurie d’énergie, le plan de stationnement pour les abris PCi, etc.

Devrait-il l’être davantage ? Par exemple pour des missions à vocation hybride, telles que la désinformation ou la cybersécurité ?

Je rappelle que jusqu’en 1874, c’étaient les cantons qui avaient les compétences militaires. Puis une centralisation a été engagée, par souci d’efficacité. Ce serait aller à contre-courant de tout ce qui a été fait durant ces 150 ans que de revenir en arrière.

Selon moi, ce qu’il faudrait davantage centraliser, c’est la Protection civile (PCi). Le projet initié par le Canton n’a pas abouti mais des réformes seront de toute façon nécessaires pour répondre au problème d’effectifs auquel la PCi est confrontée.

Comment coopérez-vous avec les autres cantons romands et la Confédération en matière de sécurité ?

Les échanges sont institutionnalisés et fluides entre cantons ou avec la Confédération, que ce soit au niveau policier, pénitentiaire ou protection de la population. Bien sûr, le fédéralisme implique des besoins de coordination, mais cela permet d’avoir une réponse publique ciblée selon les besoins du terrain. Cette coordination est nécessaire également par exemple pour   le bracelet électronique. Si la personne le portant passe dans le canton d’à côté, on doit pouvoir continuer à la suivre.  Les cantons ont un rôle à jouer dans la sécurité et nous collaborons activement entre cantons et Confédération. De grands exercices ont lieu régulièrement afin de tester la résilience des structures étatiques et la crise du Covid nous a montré que cela fonctionnait relativement bien. Tout n’était évidemment pas parfait, mais l’on peut globalement se montrer satisfait de la façon dont le Canton de Vaud a géré cette crise sanitaire.

Y a-t-il des points de friction ?

Entre les cantons et la Confédération, il y a parfois des priorités politiques différentes. Cela nous pousse à trouver des compromis et des accords équilibrés, même si cela peut parfois ralentir les choses.

Un élément qui pourrait par exemple être amélioré est la question des alertes en cas de catastrophe. Si vous allez dans les pays d’Asie, et qu’un événement arrive, vous êtes informé par SMS. En Suisse, ce n’est toujours pas le cas et cela avance très lentement du fait des questions de la répartition des coûts, des responsabilités, etc. C’est regrettable qu’un élément aussi important prenne autant de temps.

Les cantons collaborent-ils entre eux pour procéder à des acquisitions communes ?

Oui, mais cela dépend grandement du type d’équipement et des montants engagés. Faudrait-il centraliser tout cela et le mettre en mains fédérales ? On voit que les échelons ralentissent le tout.

À nouveau, le Covid a montré que notre modèle fédéraliste ne représentait pas un frein absolu pour affronter les problèmes. Cet événement dramatique a montré que cela fonctionnait et que l’on collaborait efficacement, chacun à son niveau. Le Conseil d’État s’appuie sur l’EMCC (État-Major Cantonal de Conduite) qui coordonne la réponse de l’Etat face à un événement. Pour améliorer la capacité du canton à affronter les crises, nous révisons actuellement la loi sur la protection de la population. L’on doit réfléchir à un dispositif qui permette de monter en puissance de manière graduelle, et non seulement avec le bouton on/off, crise ou pas crise. L’objectif de la révision est justement d’avoir une gradation, afin de pouvoir gérer les choses de manière progressive selon les situations, les catastrophes naturelles, etc. où il peut y avoir des étapes intermédiaires. Nous sommes déjà relativement agiles mais nous devons l’être plus encore.

Il y a des soucis de recrutement dans l’armée, et qui rejaillissent sur la PCi. Le Conseil d’État compte-t-il prendre des mesures pour pallier cela ?

On n’a pas énormément de marge de manœuvre à notre niveau. On essaie de la rendre attractive, notamment par la communication. Il y a beaucoup d’idées reçues contre lesquelles il faut lutter. Cela dit, la première mission de la PCi n’est pas, par exemple, d’encadrer les courses populaires et c’est ça qu’on doit mieux valoriser. Si les missions sont plus intéressantes, alors elle sera plus attractive.

Selon moi, les débats qui ont lieu au niveau fédéral (concernant la révision de l’accès au service civil, NDLR) ne vont pas dans la bonne direction, à savoir de dissuader les citoyens d’effectuer du service civil, plutôt que de renforcer l’attractivité de l’Armée et de la protection civile. .

La formation prodiguée au sein de la PCi est-elle suffisante ?

Je pense que oui. La formation répond aux besoins.

Oui mais elle est relativement courte. La formation de base dure 16 jours. Est-on vraiment opérationnel après trois semaines ?

Il y a ensuite des cours de répétition et des formations spécifiques qui durent plus longtemps. Ce sont justement elles qui doivent être valorisées afin que la protection civile soit plus attractive.

Y a-t-il un moyen de faire de la « sécurité verte » ?

Pour faire société, il faut d’abord se sentir en sécurité. C’est dans ce sens que je porte mon engagement pour que mes différents services puissent poursuivre leur mission. Cela dit, l’écologie est aujourd’hui une question transversale que l’on retrouve partout : au sein de l’armée, dans la police, etc. chacun à son échelle. On pourra critiquer certaines mesures, ou l’absence de mesure, mais il y a déjà des stratégies et des actions concrètes partout.

Vous avez participé à la commission chargée de sélectionner le nouveau chef de l’armée. Comment avez-vous été choisi pour y siéger ?

Nous étions trois conseillers d’État : un Romand (moi-même), un Tessinois (Norman Gobbi), et une Suisse-allemande (Karin Kayser-Frutschi) qui est présidente de la CCDJP. La volonté était justement d’avoir des représentants de toutes les sensibilités, de toutes les régions linguistiques du pays. En me proposant d’assumer cette mission, M. Pfister a montré sa volonté d’avoir dans la commission de sélection quelqu’un qui ne provenait pas du sérail militaire. Il s’agit d’une jolie preuve d’ouverture d’esprit de sa part.

Comment le travail de cette commission s’est-il déroulé ?

M. Pfister nous a donné une première orientation en cela qu’il a déjà restreint le panel aux seuls officiers généraux. Ensuite, il y a eu de nombreuses discussions pour définir ce que l’on attendait du futur chef de l’armée. Après ces séances préparatoires, nous avons effectué passablement d’auditions afin de pouvoir proposer quelques noms au Conseil fédéral.

Qu’est-ce qui a fait pencher la balance en faveur de Benedikt Roos ?

Dans les critères que nous avons définis, il y avait savoir diriger, c’est une évidence, mais aussi savoir communiquer. D’autres critères étaient également très importants comme la vision stratégique, les compétences et le courage pour mener des réformes, être résistant face aux crises, être connecté au monde politique et intégré dans la société civile, à l’écoute des gens et ouvert aux nouvelles idées. On le voit, lors des discussions sur le budget de l’armée, l’idée d’augmenter les ressources à disposition peut susciter l’enthousiasme chez certains mais convainc nettement moins dans une partie de l’opinion publique. Le nouveau chef de l’armée doit pouvoir écouter cela et le prendre en compte.

Ainsi, je suis convaincu du choix qui a été fait par Monsieur Pfister même s’il y avait également de très bonnes candidatures romandes.

Les citoyens ont-ils aujourd’hui une perception juste des menaces ? Comment améliorer la culture de la sécurité sans créer de peur ?

Les médias et les autorités politiques rappellent suffisamment le contexte qui nous touche donc à moins que l’on habite sur une île, je pense que tout le monde est au courant de ce qu’il se passe au niveau européen et mondial.

Malgré cela, j’estime que le concept des cyber-attaques et de guerre hybride devrait être mieux expliqué car il s’agit de concepts parfois compliqués et peut-être mal compris.

La Suisse n’est pas complètement isolée de tout cela et si elle doit être touchée, je pense que cela sera plutôt de manière indirecte, mais elle le sera tout de même. On l’a vu avec le conflit en Ukraine. Nous n’avons pas été touchés directement, mais avons subi une augmentation des coûts de l’énergie et un risque important de pénurie. Nous y avons échappé grâce à la solidarité des pays voisins. En outre, l’analyse des risques vaudoise et fédérale montre une augmentation des risques naturels en raison notamment des changements climatiques. On l’a vu en été 2024 et encore plus récemment à Blatten.