
La guerre dans le Haut-Karabagh est sources de nombreux enseignements pour les forces armées du monde entier. En effet, il est l’un des rares conflits de haute intensité et mettant aux prises des forces étatiques de valeur égale à s’être tenu ces dernières années. Ainsi, il permet de mesurer, bien plus encore que les combats en Syrie ou en Libye, l’impact des nouvelles technologies sur le déroulement des opérations.
Dans ce cadre, il apparaît que l’usage des drones semble prendre une part significative dans le succès de l’Azerbaïdjan sur ses adversaires arméniens et artsakhtsi. Les premiers ont effectivement fait un usage massif des drones TB2 Bayraktar d’origine turque d’une part pour effectuer des frappes directes sur les positions des seconds, et pour effectuer des vols de reconnaissance au profit de l’artillerie d’autre part.
Dans un domaine approchant, les forces de Bakou ont également fait grand usage de munitions vagabondes, notamment fournies par Israël. Il s’agit de drones kamikazes, dont le rôle n’est pas de transmettre des informations à l’opérateur ou de tirer des munitions, mais de servir eux-mêmes de projectiles, emportant pour cela une charge offensive.
Enfin, et toujours par rapport à ce qui s’est déroulé dans le ciel du Haut- Karabagh, les défenses anti-aériennes ont joué un rôle important, en cela qu’elles ont interdit aux deux nations d’employer leurs avions de combat. Elles n’ont en revanche pas toujours su neutraliser les drones cités ci-dessus, notamment du fait de leur signature radar réduite, et, parfois, de leur faible altitude d’engagement.
L’un dans l’autre, il y a donc largement de quoi apprendre de ce conflit, et c’est bien ce que la commission de politique de sécurité du Conseil national a compris. De ce fait, elle a demandé au Conseil fédéral qu’il établisse « un rapport sur la manière dont l’armée suisse, nos agences de sécurité et le Conseil fédéral perçoivent la question des drones. Connaissons-nous les effets d’un déploiement ? Verrons-nous également une utilisation accrue de drones, éventuellement armés, à l’avenir ? Quelle base juridique existe-t-il pour réglementer l’utilisation des drones ? Comment pouvons-nous nous préparer à repousser les attaques de drones ? » Le Conseil fédéral n’a rien trouvé à redire à cette demande et le postulat a donc été accepté.
Il convient toutefois de noter plusieurs éléments. Premièrement, le Conseil fédéral semble avoir une position relativement attentiste face aux développements technologiques et doctrinaux qui touchent les forces armées du monde entier. Il est en effet quelque peu surprenant qu’il attende que le Conseil national lui souffle d’étudier les enseignements de la guerre dans le Haut-Karabagh pour qu’il le fasse effectivement. Ensuite, ce conflit nous montre que l’artillerie conserve aujourd’hui toute sa pertinence, malgré ce que les élus de gauche ont insinué durant la même session parlementaire (nous y reviendrons). Enfin, il apparaît primordial que les forces terrestres et aériennes soient à l’avenir dotées d’un plus grand nombre de drones, peut-être moins onéreux que les Hermes 900 (et peut-être déjà opérationnels aussi…) et qu’ils soient armés. En outre, il faut que l’utilisation de cet outil soit pensée à l’échelle de l’entier des échelons de l’armée, et très régulièrement exercée, faute de quoi d’éventuelles acquisitions ne fourniront qu’une plus-value limitée.