
En juin dernier, le Conseiller au États jurassien Charles Juillard déposait une interpellation intitulée « Plurilinguisme. Profiter de son école de recrues pour mieux maîtriser une autre langue nationale ». Oui, les noms sont rarement très inspirés sous la Coupole. Quoi qu’il en soit, cette question posée au Conseil fédéral s’articulait en 3 points :
- Mélanger les soldats en fonction de leur origine géographique
- Proposer des cours de langue
- Certifier les apprentissages de langue effectués lors de l’école de recrue
Tout ceci avait pour objectif de (re)créer le « lien social entre les diverses régions, les différentes cultures et classes sociales de notre pays » selon les mots du Conseiller aux États, par ailleurs colonel à l’armée.
Le 18 août, le Conseil fédéral a répondu, à raison, que les soldats étaient déjà passablement mélangés lors de leurs écoles de recrue. Celles-ci comportent en effet « des compagnies, voire des sections mixtes (bilingues ou trilingues). » À noter que ce n’est toutefois pas le cas de toutes les unités. Dans sa réponse, l’exécutif a ajouté que « Pendant l’école de recrues, les contenus enseignés sont déjà nombreux. Il serait vraiment difficile d’introduire en sus des cours de langue pour améliorer les compétences linguistiques individuelles. » En outre, l’école de recrue ne dure pas assez longtemps pour acquérir de solides compétences linguistiques. Enfin, il a souligné que des cours sont déjà à disposition des cadres et qu’une attestation de formation et de compétences indique les connaissances linguistiques acquises par les officiers lors de leur service.
Lors de la séance du 23 septembre dernier, le Conseiller aux États jurassien a indiqué ne pas être satisfait de la réponse. Malgré tout, il a admis que « l’armée n’a pas pour mission ni pour vocation d’enseigner une autre langue durant les cours de formation ou à l’école de recrues. » Dès lors, tout était dit et le Conseil fédéral a donc refusé d’entrer en matière sur cet objet.
En définitive, nous pouvons dire que même si les buts de M. Juillard étaient louables, ils manquaient totalement leur cible. Si les compétences linguistiques de nos jeunes, et notamment romands, sont mauvaises, ce n’est pas à l’armée d’y remédier, mais bien aux systèmes scolaires et post scolaires cantonaux, qui font manifestement bien pâle figure en la matière. Il est toujours frappant de constater que les Suisses-Allemands, et plus encore les Tessinois, maîtrisent bien mieux les autres langues nationales que les Romands. Dans une Suisse où le système scolaire donnerait des résultats satisfaisants, l’armée serait le lieu où mettre en pratique ses apprentissages, et non l’endroit où les acquérir.
En outre, l’armée est justement l’occasion d’utiliser une autre langue que la sienne en dehors des contextes de salle de classe. La pratique au quotidien est en effet une expérience bien plus formatrice que le meilleur cours de langue. Ceux qui désirent faire cet effort l’ont déjà bien compris, et profitent de leurs quelques mois sous les drapeaux pour parler la langue de l’autre, sans les conseils du bon docteur Juillard.
Sources :
https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20213723