
Le 21 septembre dernier, le Conseil national s’est prononcé sur la ratification d’un accord-cadre avec la France au sujet du système satellite Composante Spatiale Optique (CSO). Celui-ci, composé de 3 satellites d’observation militaire, sera pleinement opérationnel en 2022.
L’objectif de cet accord de donner à la Confédération l’accès à 2% des images prises quotidiennement par le nouveau système français. Le projet du Conseil fédéral comprend pour ce faire l’installation d’une station de réception en Suisse ainsi que le droit de programmer les satellites en fonction de ses propres besoins. De plus, un groupe de travail conjoint franco-suisse sera mis en place pour examiner les possibilités de coopération et de développement dans le domaine de la recherche sur les nouvelles technologies. Pour ces prestations, le DDPS devra débourser 82 millions de francs. Ensuite, un budget annuel de 2,5 millions de francs est prévu pour les coûts de fonctionnement de la station de réception et sa maintenance.
Le Conseil des États ayant déjà approuvé ce projet à l’unanimité, c’était au tour du Conseil national de rendre son verdict. Si une écrasante majorité de la Commission de politique de sécurité (18 voix pour, 4 voix contre et 1 abstention) et donc, de la chambre du peuple, soutenait ce projet, Les Verts et une partie du PS s’y sont opposés. En effet, le Contrôle fédéral des finances était critique par rapport aux coûts de ce projet, 10 fois plus élevés que le système actuel, ce qui a permis à la gauche de motiver ses réserves. En outre, le Conseil fédéral est actuellement en train de réviser sa politique spatiale, qui sera dévoilée à l’horizon 2023. Certains parlementaires de gauche ont donc jugé cet accord prématuré. Enfin, ces mêmes parlementaires ont déploré qu’aucune alternative n’avait été envisagée et que cela engageait la Suisse dans une coopération qui pourrait poser problème avec son statut de pays neutre.
Malgré ces critiques et doutes, la majorité du Parlement a été convaincue par les explications du Conseil fédéral. Les coûts du programme s’expliquent du fait de la qualité infiniment supérieure des images fournies, ainsi que la maîtrise sur une petite partie des satellites, permettant un gain d’autonomie. Actuellement, les différents départements de l’administration se fournissent auprès de prestataires privés, ce qui fait que certaines images ne sont pas disponibles au moment où elles seraient utiles, et ne sont pas assez précises. De plus, la Suisse n’a pas forcément les compétences et les moyens de mettre sur pied son propre programme de satellite de manière indépendante. Enfin, il s’agit d’un accord d’État à État, et non d’un appel d’offre, raison pour laquelle d’autres systèmes n’ont pas été envisagés.
Après ces échanges, le Conseil national a finalement accepté de ratifier cet accord par 146 contre 36 et 3 absentions, et donc de permettre à la Suisse d’améliorer ses capacités en termes d’imagerie satellite.
Nous pouvons relever deux choses de ces débats. Premièrement, la gauche semble toujours aussi handicapée dans ses considérations pour des questions purement idéologiques. Il suffit en effet d’accoler l’adjectif « militaire » à une proposition pour qu’ils la refusent, sans approfondir la réflexion. Ceci est bien évidemment dommageable pour la qualité des débats au Conseil national, mais aussi et surtout pour la solidité de la politique de sécurité de la Suisse. En effet, la gauche aurait certainement des questions et propositions pertinentes à faire. Cela peut se faire plus facilement lorsque l’on ne propose pas systématiquement une non entrée en matière sur les projets militaires…
En revanche, et c’est là où cette frange du Parlement peut amener un plus à ces projets, elle pose des questions pertinentes, en tout cas en termes de communication. En effet, le Conseil fédéral et la droite se contentent fréquemment d’avoir pour seul argument un laconique « on en a besoin ». Or, la votation du 27 septembre dernier nous montre bien que la population suisse ne se contente plus de ces réponses évasives, et de ce manque d’exemples concrets. Si des réponses claires, précises et illustrées étaient apportées à ceux qui remettent systématiquement les outils sécuritaires helvétiques en doute, leur argumentaire s’en trouverait certainement affaibli. Il y a donc encore un long travail de prise de conscience et d’explication à faire.
Quoi qu’il en soit, la Suisse verra bientôt ses capacités satellitaires décuplées, ce qui devrait sensiblement améliorer le travail des services de renseignement, et autres offices fédéraux ayant trait à l’international.
Sources :
https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20200091
https://www.fedlex.admin.ch/eli/fga/2020/2499/fr