
Épisode 1 : présentation du rapport et intérêt pour les conscrits
Le service long ! En voilà un sujet que l’auteur du jour connaît particulièrement bien, pour l’avoir expérimenté ! De ce point de vue, votre serviteur a été agréablement surpris par la pertinence de ce rapport, et sa factualité, bien loin de certains beaux mais inutiles papiers parfois élaborés au sein du DDPS. Mais ce rapport, késako ? Eh bien c’est ce qu’on va voir ! Et en plusieurs épisodes, ma bonne dame !
Depuis 15 ans, l’armée propose à ses conscrits le modèle du service long (SL). L’objectif était alors de « mieux assurer la disponibilité opérationnelle à court terme en disposant en permanence d’un certain nombre de soldats dans un court laps de temps ». Ainsi, au lieu d’être appelés pour un certain nombre de cours de répétition (CR), les militaires accomplissent toutes leurs obligations d’une traite. Celles-ci sont d’ailleurs un peu plus longues que pour les personnes astreintes au modèle « classique ». En outre, seuls 15% des incorporés peuvent être admis au service long, ce qui représente, bon an mal an, 3600 soldats, et pour un nombre de fonctions limitées.
Le Contrôle fédéral des finances (CDF) a analysé les coûts de ce modèle. Il s’agit de sa mission de base. De manière un peu plus surprenante mais pertinente, il s’est également penché sur l’efficacité du modèle du service long sous différentes perspectives (armée, personnes astreintes, économie). Ce sont donc 3 questions principales auxquelles le rapport tente de trouver des réponses, à savoir :
- En tant qu’alternative au modèle « traditionnel », le modèle de service long contribue-t-il à fournir un nombre suffisant de personnes pour servir dans les forces armées ?
- Les militaires sont-ils déployés de manière appropriée après l’école de recrues ?
- Les différences de coût total entre le modèle de service continu et le modèle CR sont-elles pertinentes ?
Pour répondre à ces interrogations, des entretiens et questionnaires ont été adressés en automne 2019 aux militaires du rang, SL comme CR, mais également aux officiers, permettant de dresser un tableau relativement réaliste de la situation.
Sur la base de celui-ci, le CDF a conclu dans son évaluation que le modèle du service long complète judicieusement le modèle des CR. En même temps, il propose des adaptations susceptibles d’accroître à long terme la marge de manœuvre de l’armée ainsi que l’efficacité du modèle du service long. Chaque proposition du CDF est d’ailleurs commentée par le Groupement défense, organe chargé de planifier, diriger et d’administrer l’Armée suisse.
C’est donc sur ces constats et propositions d’adaptation que nous allons nous pencher ici. Il faut dire qu’il y a de quoi faire !
Premièrement, le rapport démontre que le modèle du service long est intéressant pour les conscrits. Au point même que le nombre de personnes intéressées est supérieur aux places disponibles. En effet, 23% des sondés souhaiteraient accomplir leurs obligations d’une seule traite, 52% se destinent au service militaire « classique », 17% au service civil (les coquins) tandis que 8% n’en a cure, laissez-moi tranquille s’il vous plaît monsieur. Or, pour rappel, seuls 15% des effectifs peuvent être affecté au SL.
L’intérêt pour le service long est justifié « par la volonté de se débarrasser le plus rapidement possible de l’armée ou par le manque de motivation pour accomplir un service militaire annuel [voilà qui fait bien plaisir à lire, ndlr]. Les considérations relatives à la compatibilité du service militaire avec une formation civile ou une carrière professionnelle jouent également un rôle important. Pour les conscrits ayant une préférence pour le modèle du service « traditionnel », des raisons similaires sont avancées, simplement avec des valeurs inversées : d’une part, la période de service d’une seule traite est considérée comme trop longue, d’autre part, elle peut entraîner des difficultés au niveau des études ou de la carrière professionnelle. »
À noter que le nombre d’étudiants est un peu plus élevé parmi les services longs qu’au sein du modèle avec CR (22% contre 16%), mais aussi que seuls 60% des sondés savaient que le SL était… plus long que l’autre modèle !
Pour les entreprises aussi, le service long est intéressant, car il permet d’éviter de voir des employés partir régulièrement. Cela est d’autant plus vrai pour les petites entreprises, qui ont de la peine à remplacer leurs employés. De ce fait, les militaires ayant accompli l’entier de leurs obligations grâce à ce modèle auront de meilleures chances que les autres sur le marché du travail. Malgré tout, le modèle avec CR présente également des avantages, notamment celui d’une absence certes plus régulière, mais aussi plus courte, ainsi qu’une transition plus facile entre l’apprentissage et la pratique professionnelle. Dans tous les cas, les conscrits ne voient pas les avantages que pourrait leur procurer le service militaire dans leur carrière civile. En revanche, un quart des sondés pensent que leurs compétences professionnelles peuvent être utiles à l’armée, notamment dans les troupes de logistique et de sauvetage.
Sources :