La commission de gestion du Conseil national veut se pencher sur le processus de sélection du F-35

F-35 à Payerne en juin 2019, @Neo-Falcon Creations.

S’il semble qu’une partie de la population (et des officiers, en « off ») se montre sceptique quant au choix de l’avion F-35 par Armasuisse et le Conseil fédéral, il semblerait que le doute soit également partagé par une majorité des membres de la commission de gestion du Conseil national. Cela comprend donc aussi des membres de la droite, n’en déplaise aux grands génies qui se contentent de dire qu’attaquer ou même simplement questionner le F-35 signifie être membre du GSsA… En passant, il en faudra bien plus que cet argumentaire sommaire et simpliste pour convaincre les masses, comme en témoigne le scrutin de septembre 2020.

Quoi qu’il en soit, la commission de gestion de la chambre basse du Parlement souhaite notamment se pencher sur la légalité du processus de sélection. Bien que le communiqué soit relativement concis, indiquer vouloir investiguer sur la « légalité de la procédure d’évaluation » est déjà lourd de sens en soi. En d’autres termes, la commission de gestion se pose la question de savoir si ce sont bien des critères objectifs qui ont servis à choisir le F-35, ou si d’autres critères sont entrés en ligne de compte. Et par « autres critères », entendez « pressions ». En effet, le revirement assez net des différents acteurs du dossier à quelques jours de l’annonce en a surpris plus d’un : l’appareil de Dassault était donné largement vainqueur, avant qu’un certain Joe Biden ne vienne en goguette au bord du Léman. Il n’en fallait pas plus pour éveiller des soupçons, bien légitimes d’ailleurs, vu la manière dont le nouveau président américain et son administration traitent ses alliés et partenaires depuis le début de son mandat.

En outre, l’argument selon lequel le F-35 serait le meilleur marché des 4 compétiteurs ne cesse d’interpeler les amateurs, mais aussi les spécialistes du dossier comme Oddmund Hammerstad, ancien cadre du ministère de la défense norvégien et homme politique conservateur, qui a accueilli la décision du Conseil fédéral « avec un certain étonnement ». En effet, l’appareil de Lockheed-Martin ne cesse de défrayer la chronique aux États-Unis (et récemment en Norvège) sur la question de ses coûts, au point même qu’un rapport visant à établir quel nombre de F-35 serait supportable pour l’US Air Force a été commandé. Si une baisse des commandes devait survenir, les conséquences en seraient importantes, tant en termes d’image que de coûts. Une telle hypothèse n’est plus taboue outre-Atlantique, car la compétition croissante avec la Chine ne permet aujourd’hui plus aux USA d’aligner un appareil coûteux et/ou ne répondant pas à toutes ses attentes, comme cela pouvait être le cas durant les deux premières décennies de ce siècle.

Toujours est-il que les critiques se font de plus en plus fortes depuis le début de l’année aux États-Unis, soit l’exact inverse de ce qu’il se passe actuellement en Suisse. En effet, bon nombre de supporters helvètes n’hésitent pas à afficher un soutien sans faille, voire aveugle à l’appareil américain. Seulement même si les chiffres avancés par Lockheed-martin sont vrais (le DDPS a indiqué lui-même ne pas avoir pris la peine de les vérifier ou de les comparer avec quelconque autre donnée), car garantis par le Foreign Military Sales (FMS), celui-ci cessera en 2040, et Lockheed-Martin pourra alors bien facturer ce qu’elle voudra. Au demeurant, il est assez amusant de constater que le DDPS, pour rassurer le grand public, indique qu’il « acquiert les avions […] aux conditions qui s’appliquent à l’État américain lui-même », conditions qui ne satisfont donc actuellement pas ce dernier.

En définitive, le F-35 n’a pas fini de faire couler de l’encre. Si les débats vont aller crescendo jusqu’à la potentielle votation voulue par le GSsA, et que nous ne soutenons pas, comme indiqué dans un précédent article, ceux-ci ne trouveront leur épilogue que lorsque l’avion aura été mis en œuvre durant un certain nombre d’années dans notre pays, soit dans environ 15 ans.

Les débats sur la question sont donc loin d’être terminés.

Sources :

https://www.parlament.ch/press-releases/Pages/mm-gpk-n-2021-11-16.aspx

https://www.letemps.ch/suisse/national-veut-analyser-conditions-choix-f35

http://www.opex360.com/2021/11/17/une-commission-parlementaire-suisse-veut-examiner-la-legalite-de-la-procedure-ayant-conduit-au-choix-du-f-35/

https://www.meta-defense.fr/2021/11/18/une-commission-parlementaire-helvetique-va-analyser-les-conditions-de-la-selection-du-f-35-en-suisse/

https://www.tagesanzeiger.ch/in-norwegen-ist-die-f-35-viel-teurer-als-in-der-schweiz-777874002876

https://www.defensenews.com/digital-show-dailies/air-force-association/2021/09/07/new-us-air-force-study-asks-whats-the-right-number-of-f-35s