Le DDPS publie son rapport sur les projets 2021

Système Polycom en utilisation auprès de la PCi, @DDPS (https://www.vbs.admin.ch/fr/projet-wep-2030-maintien-valeur-reseau-radio-securite-polycom)

Il n’est rien de dire que le DDPS gère actuellement un grand nombre de projets. Qui plus est, ceux-ci sont relativement complexes, impliquent des compétences relativement rares et parfois un grand nombre d’acteurs. C’est pourquoi le département publie chaque année un rapport sur les projets destiné à faire le point sur les programmes en cours, leur état d’avancement et les risques liés à la poursuite des travaux.

Nous n’allons pas décrire ici tous les principaux projets dont il est question dans ce document, car il y en a 23. Il s’agira des présenter ceux qui nous paraissent les plus importants, et tenter de dresser un constat général, ce que le rapport ne fait d’ailleurs pas ou peu, sans proposer de solution d’ailleurs.

Les deux premiers projets concernent le programme Air 2030. Il s’agit sans surprise de l’acquisition du F-35 et du système de défense sol-air Patriot. Selon le DDPS, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes sur ces dossiers. Cela peut s’expliquer par le fait que seuls 11 millions de francs ont été dépensés pour ceux-ci en 2021. Remarque intéressante, le département de la défense estime que le Patriot pourrait subit un « dommage à la réputation causé par l’intervention d’un candidat exclu / non retenu » mais ne fait pas la même remarque au sujet du F-35, dont les enjeux financiers sont autrement plus importants. Dont acte.

Les autres parties du projets Air2030, consacrés à la surveillance aérienne semblent connaître des retards et problèmes. Ainsi, le remplacement des systèmes de conduite du système de surveillance de l’espace aérien et de conduite d’engagement Florako (oui, on aime les noms simples au DDPS) seront déployés avec deux ans de retard, tandis que les nouveaux capteurs du même système laissent une « impression chez l’utilisateur d’une baisse de capacités »… Évidemment, cela ne peut que rassurer pour le reste d’Air2030, dont l’ampleur financière est seulement 20 fois plus grande.

Un autre volet du rapport est notamment lié à la modernisation des infrastructures de communication de l’armée, au sein du programme FITANIA. Les différents volets de celui-ci connaissent tous des retards : TC A, 3 ans de retard, réseau de conduite suisse, 4 ans de retard, centre de calcul 2020 DDPS/ Confédération 2020, 7 ans de retard. Ceci est notamment dû au manque de personnel, notamment des spécialistes informatiques, mais aussi au très grand nombre de système liés à cette problématique, et qui sont en évolution constante et à la coordination avec tous les échelons de l’armée qu’un tel programme implique. En outre, les systèmes actuels doivent continuer à fonctionner, compliquant les opérations de modernisation, sans compter tous les autres défis liés à l’informatique (courte durée de vie, composants de haute qualité pas toujours disponibles, manque de moyens financiers, etc.).

Les systèmes d’armement comme le Mortier 16, le TASYS, la rénovation des Duro ou encore le drone ADS 15, connaissent des fortunes diverses. Le premier, dont nous avons déjà parlé à quelques reprises connaît un retard de près de 4 ans, et ne sera opérationnel qu’en 2026. De plus, et comme pour le TASYS (Système d’exploration tactique), il dépend de l’introduction du système télécommunication de l’armée (TC A) pour son bon fonctionnement. Les nouveaux DURO connaissent également des retards, notamment à cause de la faillite de Steyr, qui devait initialement fournir les moteurs. En découle un plus faible nombre de véhicules en service, et donc une diminution de la disponibilité de la flotte, et la nécessité de changer les moteurs des premiers exemplaires rénovés. Le drone ADS 15 a subi divers revers comme un long délai de certification et l’écrasement du premier modèle destiné à la Suisse. Initialement prévu pour 2020, il ne sera opérationnel qu’en 2024, si tout va bien et avec des certifications provisoires qui plus est.

Le réseau radio de sécurité numérique Polycom, développé entre 2001 et 2015, permet à tous les organismes de sécurité du pays (police, sapeurs-pompiers, premiers secours, protection civile, services d’entretien des routes nationales, exploitants d’infrastructures critiques et, bien évidemment, armée) de communiquer entre eux. Pour ce faire, environ 750 antennes et 55 000 appareils radio, mis en réseau par les 170 commutateurs principaux et secondaires que compte le système sont utilisés. Ceux-ci ne pouvant être mis à jour, il s’agit donc de les remplacer. Initialement prévu pour se terminer en 2027, ce programme se prolongera finalement jusqu’en 2030, à moins que d’autres retards ne surviennent entretemps. La cause de ces ajournements sont multiples : fournisseur n’assurant pas les prestations prévues, recours dans les appels d’offre de l’office fédéral des douanes, migration des systèmes mal préparée, problèmes d’intégration des systèmes, etc.

Enfin, le rapport parle du réseau de données sécurisé plus (RDS+). Il s’agit d’un réseau de transport à large bande permettant de transmettre de grandes quantités de données entre près de 120 sites utilisateurs mis en œuvre par les cantons, la Confédération et les infrastructures critiques. Fait intéressant, aucun calendrier ni aucun budget n’est alloué à ce projet, car le mandat d’initiation du projet n’a été formulé qu’en novembre dernier. Nous en saurons donc plus dans le courant de l’année.

Au vu de ce qui précède, il nous semble que le très grand niveau d’interconnexion entre les projets, bien que tout à fait normal dans une optique de numérisation croissante de la société, pose un grand nombre de défis à l’armée. En effet, chaque projet dépend des autres pour être complètement fonctionnel. De plus, les différents appareils et processus étant en changement constant, il apparaît compliqué de les intégrer harmonieusement et efficacement aux infrastructures existantes, et celles à venir. Il s’agit là d’une problématique importante, à laquelle le DDPS devra répondre rapidement, au risque de mettre en service des processus et outils qui dysfonctionnent, ou dont la mise en service retardée provoquera une obsolescence anticipée des matériels, dès lors plus si nouveaux que cela.

Deuxièmement, il semble que le DDPS, et plus précisément Armassuise, souffre d’un manque chronique de personnel, et plus particulièrement de spécialistes en informatique. Que le budget de l’armée soit effectivement augmenté ces prochaines années ou non, il semble primordial que les ressources humaines de ce service soient augmentées, de manière à éviter que les projets ne subissent retards et malfaçons à répétition. Celles-ci coûtent en effet bien plus cher que l’engagement de fonctionnaires supplémentaires. Simplement, et comme d’habitude, la droite freine des quatre fers dès qu’il s’agit d’augmenter le nombre d’employés et la masse salariale de ceux-ci, tandis que la gauche s’oppose à renforcer un office qu’elle déteste par essence. Air2030 et l’accroissement des capacités cyber de l’armée, projets phare du DDPS pour les prochaines années, nécessiteront un nombre important de spécialistes. Leur absence ne peut mener qu’à des fiascos, et donc des lacunes de notre armée au niveau capacitaires, et de gros dégâts d’image. Espérons que le monde politique s’empare de cette question primordiale en premier lieu, plutôt que d’utiliser la nouvelle manne pour engager d’autres projets plus « sexy », mais à même d’engorger un service qui l’est apparemment déjà bien assez.

Sources :

https://www.vbs.admin.ch/content/vbs-internet/fr/dokumente/projektbericht-vbs.download/vbs-internet/fr/documents/rapports-sur-les-projets/Projektbericht_VBS_2021_f.pdf