La commission de sécurité du Conseil des États soutient le Message sur l’Armée 2022

La semaine dernière, la commission de sécurité du Conseil des États se penchait sur le Message sur l’Armée 2022, et notamment les acquisitions liées au projet Air 2030, soit les 36 F-35A et le système sol-air Patriot. Il faut se rappeler que le Conseil des États est souvent présenté comme la chambre de réflexion du Parlement, là où le Conseil national fait plus office de galerie pour les partis et leurs membres, même si cela peut être démentis à une occasion ou l’autre. Toujours est-il que sa composition est largement ancrée à droite, puisque sur 46 conseillers, 13 seulement font partie du PS (8) et des Verts (5). Ainsi les décisions concernant les questions de défense sont largement aux mains des partis bourgeois. Dans la commission y relative, on trouve en effet 4 PLR, 3 centristes, 3 UDC, 2 Verts et 1 PS.

Ainsi, seule la verte Céline Vara (NE) s’est opposée à l’entrée en matière sur l’acquisition des F-35-A et probablement aussi lors du vote final. Le Conseil des États a ajouté un article au programme d’armement à s’avoir le 4a, qui stipule que « Le Conseil fédéral est chargé, une fois la décision du Parlement prise, de signer les contrats d’acquisition avec le gouvernement des Etats-Unis au plus tard d’ici au 31 mars 2023 (échéance des offres). » Cela signifie en clair que la Chambre haute ne souhaite pas attendre qu’une éventuelle votation ne se tienne au sujet de cette acquisition, de peur de perdre non seulement les montants inscrits dans les offres actuelles, mais aussi les créneaux de production, comme indiqué par Mme Amherd ce lundi lors de la session extraordinaire.

Si l’initiative lancée par la gauche et visant à mettre en place un moratoire sur l’achat d’avions de combat F-35 n’a semble-t-il pas forcément de fondement juridique, selon les propos de Charles Juillard (Le Centre/JU), il en va autrement des travaux de la commission de gestion du Conseil national, qui enquête justement sur la procédure de sélection du nouvel avion de combat.

L’acquisition des batteries de Patriot n’a quant à elle pas fait de vague et a donc été soutenue à l’unanimité, l’efficacité de ce genre d’outil n’étant plus à démontrer. De même, le programme immobilier a été approuvé par toutes les parties, et l’acquisition du matériel de l’armée n’a rencontré que peu d’opposition.

De plus petits objets suscitent toutefois des commentaires. Il apparaît en effet que le Conseil des États s’est prononcé contre la mise hors service des derniers avions de combat F-5, notamment pour conserver durant quelques années encore la Patrouille suisse dans son format actuel. Cette décision, purement affective, est à notre sens malheureuse. Conserver ces avions ayant près de 40 années de service au compteur est non seulement dangereux pour les pilotes, mais aussi coûteux. Or même si le budget de l’armée devrait être augmenté, rien ne justifie le gaspillage de nos ressources financières. En outre, rappelons que les Forces aériennes disposent déjà d’une autre patrouille, la PC-7 Team, tout à fait capable de reprendre le flambeau. Qu’un pays de notre taille dispose de deux patrouilles aériennes, en sus des deux solo displays, semble disproportionné, d’autant plus que notre flotte ne comptera bientôt plus que 36 avions de chasse.

S’il s’agit de bons outils de communication, elles ne restent tout de même que des « à côté » de nos Forces aériennes, et non son cœur de métier. Dès lors, le sentimentalisme du Conseil des États semble relativement mal placé, d’autant plus qu’il ne fait que retarder l’inéluctable.

Le dernier volet de cette séance porte sur des acquisitions supplémentaires. Il semblerait en effet que de nouveaux projets aient été ajouté au programme d’armement initial. Est-ce en anticipation de l’augmentation du budget de l’armée ? De crédits résiduels ? Nous n’avons pour l’heure pas obtenu de réponse et aucun site de l’administration fédérale ne permet de d’obtenir de plus amples informations. Toujours est-il que le Conseil des États souhaite acquérir une tranche supplémentaire du Mortier 12 cm 16. Il s’agirait de 12 véhicules s’ajoutant à la commande initiale de 36 appareils, permettant d’équiper entièrement les formations mécanisées. Cela explique qu’il s’agisse de la seule acquisition précise évoquée par Mme Ahmerd lundi lors de la séance extraordinaire du Parlement. La gauche n’a pas manqué de relever que ce système ne lui semblait pas encore être mûr. Il est vrai qu’il a connu passablement de retard et ne devrait pas être en service avant 2024. Ces 12 véhicules, le soutien et les pièces détachées coûteraient 175 millions de francs, soit 14.5 millions de francs la pièce. Pour comparer, la Finlande a acheté ses mortiers de 120 mm AMOS (le même système que les militaires suisses avaient préféré au fameux Mortier 16 « COBRA ») pour environ 8 millions de dollars l’unité, même s’il est vrai que le contrat commence à dater. Bien entendu, on ne sait pas en détail ce que comprend la commande finlandaise, et celle de la Suisse, mais il semble que le Parlement helvète s’accommode facilement de montants très élevés pour les équipements d’origine locale, comme lors de l’achat de Piranhas IV du génie à 6 millions la pièce, quand les Danois et les Roumains achètent des Piranhas V (dont des versions du génie) pour la moitié de ce prix…

Le deuxième volet de cette « acquisition supplémentaire » porte sur « l’autoprotection dans le cyberespace et l’espace électromagnétique », pour 110 millions de francs. La communication étant très parcellaire dans ce domaine, nous sommes uniquement en mesure de vous dire qu’il s’agit de créer un « centre de situation cyber » et d’un site de repli et d’acquérir des moyens supplémentaires de guerre électronique mobiles (sur véhicules) et d’un renforcement de la protection du réseau de commandement.

Nous devrions en apprendre plus au sujet de ces deux derniers objets lors de la session d’été. En attendant, nous avons encore celle de ce printemps à décortiquer, même s’il est un peu tard pour vous en relater le contenu.