
À la suite de la position très ferme prise par la Suisse au sujet de potentielles réexportation d’armes en Ukraine, différents pays, comme le Danemark ou l’Allemagne, formulèrent des menaces très claires : les acquisitions d’armes auprès d’industriels helvètes seraient dorénavant compliquées, si pas impossibles.
Nécessité faisant foi, ces menaces semblent, au moins en partie, d’ores et déjà dissipées. L’on peut avancer plusieurs raisons à cela. La première est que le matériel suisse est jugé comme performant à l’étranger. Ensuite, la plupart de nos « grosses » entreprises d’armement comme Mowag ou Oerlikon est aux mains de grands groupes internationaux, respectivement European General Dynamics Land System et Rheinmetall, qui se reposent sur tout un réseau de sites de production et de filiales constitué au fil des ans, réseau qui ne peut pas être remplacé ou délocalisé aisément. Enfin, la très forte demande émanant des États du Vieux continent impose de se fournir là où des capacités de production sont disponibles.
Dans ce contexte, Orelikon Contraves (aujourd’hui nommé Rheinmetall Air Defence) vient de recevoir coup sur coup deux commandes de la part de nos voisins germaniques. En effet, le 23 février, l’Autriche a annoncé vouloir acquérir 36 systèmes Skyranger montés sur véhicule blindé 6×6 Pandur EVO. Il s’agit là de la première commande pour cette tourelle antiaérienne équipée d’un canon revolver de 30 mm, d’un missile Mistral ainsi que d’un radar AESA multi-missions pour la détection des cibles. Celle-ci a d’ailleurs été allégée pour pouvoir s’intégrer aux blindés autrichiens. Les livraisons débuteront en 2026, tandis que Vienne a également contracté une option pour 9 véhicules supplémentaires. Le montant de la transaction est d’environ un demi-milliard d’euros, aucun montant précis n’ayant été articulé.
Quatre jours plus tard, le 27 février, c’était au tour de la Bundeswehr allemande de signer un contrat d’une valeur de 595 millions d’euros pour 18 systèmes montés sur véhicule Boxer 8X8 et équipés de missile Stinger, avec une option pour 30 machines supplémentaires. L’office d’acquisition de la Bundeswehr a d’ailleurs précisé qu’un autre missile serait intégré à la tourelle, potentiellement l’IRIS-T SLM. L’objectif est ici de remplacer les systèmes antiaériens Gepard, mis en réserve en 2010. Ceux-ci ont été expédiés en Ukraine, où ils ont d’ailleurs démontré toute l’utilité d’une défense antiaérienne légère et mobile.
Rappelons-le, l’Autriche avait déjà signé un contrat avec Rheinmetall Air Defence en fin d’année dernière pour la modernisation de ses systèmes antiaériens Skyguard (sept unités de 4 canons jumelés de 35 mm, soit 28 pièces) pour 532 millions d’euros, à honorer à partir de 2026, après le contrat autrichien. Il n’est donc rien de dire que la défense contre aéronefs dans la basse couche du ciel va être considérablement renforcée au sein de la Bundesheer autrichienne.
Ces différentes acquisitions se sont faites au sein de l’initiative allemande European Sky Shield, projet visant à uniformiser et mettre en réseau les systèmes de défense antiaériens européens, à laquelle la Suisse a d’ailleurs adhéré. Ainsi, il ne serait pas étonnant que la Confédération fasse également l’acquisition de ce système, monté sur châssis de Mowag Pirahna, même si cela ne devrait se faire que durant la prochaine décennie, à en croire la planification actuelle de l’armée.
Enfin, Rheinmetall en a profité pour préciser que ces commandes n’étaient probablement pas les dernières, le Danemark étant pressenti pour être le prochain acquéreur, tandis que la Hongrie testerait actuellement l’intégration de la tourelle Skyranger 30 sur le véhicule blindé à chenilles Lynx KF41.
Bien évidemment, tout cela constitue une excellente nouvelle pour le site de Zürich, le système y étant fabriqué avant d’être expédié chez les fabricants de véhicules pour le montage final. L’entreprise nous a en effet confirmé que les tourelles seraient fabriquées en Suisse, ce qui était loin d’être assuré il y a encore quelques mois, la Suisse ayant quelque peu été délaissée par Rheinmetall au niveau de ses investissement après le refus de Berne d’autoriser la réexportation d’obus de 35 mm vers l’Ukraine, pour alimenter les blindés antiaériens Gepard.
Ainsi, Oerlikon voit son activité être pérennisée à moyen terme sous nos latitudes, tandis que ces annonces montrent que l’industrie de l’armement helvète a encore des arguments à faire valoir sur le marché international.
Sources :
https://www.defensenews.com/global/europe/2024/02/28/germany-buys-rheinmetalls-skyranger-to-reinstate-mobile-air-defenses/?utm_source=twitter&utm_medium=social&utm_campaign=tw_dfnhttps://esut.de/2024/02/meldungen/47924/details-zur-beschaffung-von-19-flak-panzern/
https://esut.de/2024/02/meldungen/47924/details-zur-beschaffung-von-19-flak-panzern