Les acquisitions de matériel désormais planifiées sur 4 ans (partie 1/2)

Char Leo 87 du Bataillon mécanisé 17, 2022, @Bataillon mécanisé 17

Jusqu’à aujourd’hui, les acquisitions de matériel se faisaient sur une base annuelle, comme pour le Programme d’armement (PA) et le Programme immobilier. Le Conseil fédéral a décidé d’opter sur une approche quadriennale pour mieux assurer « la sécurité de planification de l’armée », ce qui ne saurait être une vaine expression après l’affaire du « trou financier » de ce début d’année. Malgré tout, le gouvernement se réserve le droit d’opérer des modifications en cours de route si besoin devait se faire sentir.

L’arrêté concernant les acquisitions de matériel se penche sur différents aspects ainsi que les crédits qui y sont liés, pour un total de 3,520 milliards de francs, soit 880 millions de francs par année. Dans ce montant, l’on trouve les études de projets, les essais et préparatifs d’achats, l’équipement personnel et le matériel à renouveler ainsi que l’achat et la gestion des munitions.

Tâchons de dresser un panorama de tout ce que cet arrêté comprend, même si ce n’est pas une mince affaire. Accroche-toi bien, Ô lecteur attentif, car ton périple entre ces lignes pourrait s’avérer fastidieux. Sois assuré que nous avons fait tout notre possible pour rendre tout cela digeste. Pour ce faire, nous allons déjà présenter les différentes études devant être menées, tandis que l’équipement personnel et le matériel à renouveler fera l’objet d’un article distinct.

En premier lieu, les études de projets, les essais et les préparatifs d’achat se monteront à 800 millions de francs tout ronds jusqu’en 2027, et il y a à boire et à manger, évidemment. Le DDPS aura ainsi besoin de renouveler les systèmes de télécommunication qui ne l’ont pas été avec le PA 2020. Il s’agira de remplacer les appareils des aéronefs, des simulateurs et des systèmes terrestres Pour ce faire, il faudra procéder à des évaluations de différents systèmes. Toujours dans le domaine de la conduite et de la mise en réseau, il s’agira de poursuivre l’extension de l’infrastructure informatique existante, notamment au profit des systèmes d’information à usage de la troupe, mais aussi à l’usage de l’état-major. 170 millions de francs seront utilisés à cet effet.

Dans un domaine approchant, celui des renseignements, l’armée souhaite tester de nouveaux systèmes de drone léger et préparer l’acquisition du futur véhicule d’exploration léger devant remplacer les Mowag Eagle II et III. Pour ce qui est de la reconnaissance des signaux radios ennemis, il s’agira également de procéder à la préparation du renouvellement du système actuel, qui devra être remplacé au milieu de la décennie 2030. Le système de reconnaissance central des Forces aériennes deviendra lui-aussi bientôt dépassé, raison pour laquelle des solutions pour assurer le maintien de ses capacités doivent être évaluées, tandis que des radars semi-stationnaires doivent également être évalués. Le DDPS ne souhaite pas se contenter des informations que l’on peut collecter de chez nous, mais a pour objectif d’améliorer les capacités de renseignements helvètes dans l’espace exo-atmosphérique, afin de réduire notre dépendance face aux prestataires privés et/ou étrangers. Il s’agira donc de réaliser des études dans ce domaine et de voir quels sont les besoins de la Suisse, mais aussi ses capacités dans le domaine. Enfin, des évaluations de systèmes mobiles de surveillance (caméras, capteurs montés sur clôtures, surveillance radar, etc.) seront également effectuées. Ces différentes études menées dans le domaine des renseignements et des capteurs coûteront 131 millions.

Les Forces aériennes souhaitent ensuite anticiper la fin de la durée de vie des PC-21, qui arrivera au milieu de la prochaine décennie. Il s’agira donc de trouver un avion approprié à la formation de pilotes devant ensuite opérer sur F-35 A. Une étude et des essais seront également menés pour assurer le maintien de la valeur du système militaire de guidage d’approche, destiné à fluidifier le trafic aérien à proximité des bases aériennes. Ces deux postes coûteront 65 millions de francs.

Concernant les Forces terrestres, deux prototypes de char Leopard II revalorisés seront fabriqués et testés, de même qu’un prototype pour l’instruction assistée par simulateur. Les préparatifs d’achat du nouveau système d’artillerie (Archer ou RCH155) seront également effectués. Des nouveaux obus de précision pour les mortiers 16 seront en outre testés. Un système de décontamination NBC de nouvelle génération doit également prochainement entrer en service. Des tests techniques et essais auprès de la troupe sont donc envisagés. Dans le même ordre d’idée, une grande partie du matériel des troupes de sauvetage doit être renouvelé. Celui-ci sera modulaire et transportable grâce à des conteneurs. Les préparatifs d’achat de ce matériel, des véhicules porteurs et des systèmes d’approvisionnement électriques sont donc planifiés. De nouveaux véhicules blindés destinés aux opérations de déminage doivent également faire l’objet d’un remplacement ces prochaines années. Enfin, les systèmes de production et de distribution d’électricité ainsi que d’éclairage, aujourd’hui disparates, doivent être renouvelés. Des études et des essais auprès de la troupe seront effectués pour certains matériels, tandis que d’autres peuvent déjà faire l’objet de préparatifs d’achat. En tout et pour tout, ces différents projets au profit des Forces terres coûteront 152 millions de francs.

Concernant le cyberespace, l’armée souhaite étudier un projet permettant de développer la cyberprotection de manière transversale, puisque les capteurs et les moyens d’action doivent être mis en réseau. 16 millions seront consacrés à cela. Dans le domaine de la logistique, l’armée souhaite mettre sur pied un projet de conteneurs permettant d’héberger provisoirement la troupe, en cas d’engagement de grande ampleur. 8 millions serviront donc à étudier et tester ce concept. Toujours dans les conteneurs, le DDPS souhaite évaluer et tester un nouveau système de conteneurs servant de poste de secours sanitaires totalement équipés, et ce pour 7 millions de francs.

En ce qui concerne la mobilité protégée, l’armée prévoit d’augmenter le nombre de formation mécanisées disponibles. Pour ce faire, il faudra acquérir de nouveau véhicule blindés Mowag Piranha IV. Les crédits alloués sont destinés à évaluer et tester la configuration de ces véhicules. Dans le même ordre d’idée, un prototype de Piranha revalorisé, permettant d’augmenter la durée de vie de ces véhicules de 15 ans, sera également fabriqué. Enfin, des études et des tests seront réalisés pour fournir aux troupes sanitaires de nouveaux véhicules. Ces différents objets coûteront 36 millions de francs.

Enfin, nos hélicoptères Super Puma et Cougar devant être remplacés d’ici la fin de la prochaine décennie, il convient de mener les premières analyses et tests techniques, opérationnels et techniques. De la même manière, il s’agira de réaliser un prototype d’un EC35 revalorisé. Les études visant au maintien de nos capacités de transports héliportés se monteront à 40 millions.

On le voit, le DDPS, et notamment Armasuisse, ne manque pas de chantier à réaliser pour permettre l’acquisition ou la prolongation de la durée de vie des différents systèmes de notre défense nationale. Ces chantiers, bien que parfois discrets, sont indispensables pour permettre le renouvellement des systèmes principaux de notre armée pour cette décennie et celle à venir. Nul doute que les différents choix effectués par l’administration, notamment pour les nouveaux systèmes, ne manqueront pas de faire couler encore beaucoup d’encre.

Sources :

https://www.vtg.admin.ch/fr/actualite/themes/armeebotschaft-2024.html#dokumente