
Après l’exercice 2021-2024, le gouvernement propose à nouveau à l’Assemblée fédérale de fixer un plafond des dépenses pour la période allant de 2025 à 2028. Ce plan quadriennal fixe les montants maximum dévolus à l’armée. Pour la période précédente, le DDPS pouvait à cet égard compter sur 21,7 milliards, répartis grossièrement entre la défense (11,223 milliards pour l’exploitation et 7,315 pour les investissements, en majorité pour le renouvellement des équipements majeurs de nos Forces aériennes), 2,362 milliards pour l’immobilier (796 millions pour l’exploitation et 1,576 milliards pour les investissements, notamment pour la rénovation des places d’armes de Chamblon, Frauenfeld, Drognens, Burgdorf, Thoune, Payerne et Herisau) auxquels s’ajoutaient encore 200 millions de réserve technique et 600 millions de hausse du plafond des dépenses, décidée en réaction à la guerre en Ukraine, en 2023.
Le plafond des dépenses proposé pourra compter sur 25,8 milliards de francs, soit une hausse globale de 18.89% par rapport à l’ancien. Annuellement, les dépenses croîtront de 3% en 2025 et 2026, puis de 5.1% les deux années suivantes, cela toutefois si l’inflation reste mesurée, ce qui est loin d’être assuré aujourd’hui, compte tenu de la volatilité de la situation géopolitique et des mauvaises nouvelles économiques en provenance de notre grand voisin germain et du géant chinois.
Quoi qu’il en soit, ces montants se répartissent quelque peu différemment du plafond des dépenses précédent, puisque ce dernier se concentrait sur les moyens financiers des unités administratives, alors que le nouveau intègre les dépenses d’Armasuisse Acquisitions et Armasuisse S+T (Sciences & Technologies, le centre de compétences du DDPS lié aux questions de technologies). L’intégralité des frais d’Armasuisse feront donc dorénavant partie du calcul, donnant une image plus claire et réaliste des dépenses effectuées par le département.
À long terme, le Conseil fédéral cherche à atteindre un rapport de 60/40% entre les dépenses d’exploitation et celles d’armement et d’investissement. Au travers de cet arrêté, il prévoit même de se rapprocher provisoirement de la parité, avec 46% d’investissements pour accélérer certaines acquisitions. Les acquisitions faites durant cette décennie et la prochaine auront évidemment pour corollaire d’augmenter les dépenses d’exploitation, celles-ci ayant tendance à suivre une courbe en U avec les nouveaux équipements, c’est-à-dire qu’elles sont élevées lors de la mise en service, puis diminue, avant de remonter au fur et à mesure que le matériel devient ancien. À noter que les dépenses d’exploitation augmentent au travers de ce plafond quadriennal, puisque des dépenses qui n’y figuraient autrefois pas y sont dorénavant comptabilisées, comme déjà expliqué.
Dans les faits, la Confédération investira environ 10 milliards de francs sur les 4 prochaines années pour renouveler ses systèmes d’armement. Ce poste connaîtra une augmentation de près d’un tiers par rapport à la situation actuelle et sera en majorité utilisé au travers des divers programmes d’armement (7.3 milliards de CHF) tandis que le matériel d’armée en consommera un sixième (1.42 milliards). Les études de projets, essais et préparatifs d’achats (EEP) et le budget « équipement personnel et matériel à renouveler » (BER) consommeront respectivement 605 et 527 millions de francs. De la même manière, les investissements dans le parc immobilier du DDPS augmenteront de 19% (295 millions de CHF) pour atteindre 1.9 milliards de CHF. Les dépenses d’exploitation, quant à elles, se monteront à environ 3.4 milliards de francs par an (13.7 milliards sur 4 ans), répartis entre les ressources humaines (1.4 milliards de CHF) et les biens et services (2 milliards de CHF), c’est-à-dire les pièces de rechange et la maintenance des systèmes (672 millions de CHF), l’exploitation et l’infrastructure (145 millions de CHF), l’entretien des bâtiments (198 millions de CHF), les besoins de la troupe (203 millions de CHF) et l’informatique (60 millions de CHF).
L’un dans l’autre, ces différentes augmentations sont évidemment de bon augure pour notre outil militaire mais elles devraient en réalité être plus soutenues encore pour permettre à nos Forces terrestres de remplacer leurs matériels antédiluviens, comme les M109 et M113, au plus vite. De même, nos Force aériennes, bien que les grandes gagnantes de la période 2021-2024, requièrent encore des investissements, notamment pour le renouvellement de la défense anti-aérienne dans les basses couches du ciel. Le Parlement ayant décidé de repousser l’objectif de consacrer 1% de notre PIB à 2035 plutôt que 2030, des arbitrages devront évidemment être effectués, même si un nouveau revirement n’est pas à écarter, l’exécutif n’ayant pas été des plus stables ni des plus cohérents sur la question ces derniers mois.
En comparaison internationale, nous restons malgré tout bien loin de l’objectif des 2% que se sont fixés une grande majorité de pays européens. Ainsi, nous sommes par exemple bien loin de nos voisins français qui, au travers de leur Loi de Programmation Militaire (LPM) 2024-2030 tablent sur une importante hausse des dépenses militaire, avec un objectif de croissance de plus de 50% de ce poste d’ici 2023, soit 67 Md€ contre 43,9 Md€ en 2023, et un effort de défense qui atteint donc les 2% du PIB. Bien évidemment, notre fortune par tête, nos missions et notre système de défense ne sont pas les mêmes, mais tout de même, l’on peut constater un effort bien moins soutenu de ce côté-ci du Jura. Il conviendra donc d’alerter plus encore les autorités fédérales ainsi que le grand public sur le besoin urgent de renouvellement et de renforcer de notre défense nationale, faute de quoi notre armée risque de se retrouver déclassée.
Sources :
https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/85929.pdf
https://www.fedlex.admin.ch/eli/fga/2020/569/fr
https://meta-defense.fr/2024/02/19/cout-hausse-effort-de-defense-france/