
Hier, nous avons couvert le premier volet du Message sur l’armée 2024, soit le programme d’armement. Si celui-ci était moins ambitieux que ceux de ces dernières années, ce n’est pas le cas du Programme immobilier (PI), qui se chiffre à 886 millions de francs. En 2023, le même arrêté comprenait des investissements pour 555 millions de francs, contre 349 pour 2022, 628 en 2021 et 489 millions en 2020. Il s’agit donc là des sommes les plus élevées de la décennie pour l’entretien et le développement du parc immobilier… enfin, pas vraiment. Voyons pourquoi.
Premièrement, une majorité du budget 2024 est dédié à une seule construction, celle du centre de calcul Kastro II, pour 483 millions de francs. Ensuite, ce PI ne compte que 4 objets en tout, en sus des autres projets immobiliers pour 250 millions de francs. En 2021 et 2023, le Conseil fédéral tablait sur la construction ou l’assainissement de 6 et 7 éléments respectivement. Quoi qu’il en soit, ce programme comprend un certain nombre de rénovations de caserne et places d’armes, permettant de montrer à nos miliciens que l’on investit pour eux.
Détaillons quelque peu les différents projets contenus dans ce programme. Le premier et principal est donc la construction d’un centre de calcul souterrain. Il s’agit ici de créer un doublon au centre de calcul Fundament en fonction depuis 2021. L’objectif est de dédoubler les infrastructures afin de les rendre plus résilientes. Un autre centre, dénommé Campus, fonctionne depuis fin 2020 et est à usage tant des militaires que des civils.
Si Kastro est aussi onéreux, c’est qu’il doit être construit en souterrain, on imagine sous roche quelque part dans les Alpes, puisque l’information est bien évidemment tenue secrète. Il est précisé que le refroidissement des machines sera effectué grâce à l’eau qui y coule naturellement. Il est prévu d’excaver suffisamment l’endroit pour disposer de réserve en vue de développements futurs. Ce genre de travaux étant long, il faudra attendre 2033 pour voir son inauguration.
En revanche, il faut bien comprendre que les 483 millions de francs ne serviront qu’à la construction du site, et non son équipement, qui interviendra plus tard. Ce n’est donc rien de dire que ces centres de calculs sont onéreux, comme déjà souligné hier. C’est d’ailleurs pour cela que l’armée a analysé 60 sites différents, déjà aménagés ou non, avant de se prononcer pour celui finalement choisi. Fundament avait par exemple été réalisé dans un ouvrage préexistant. Creuser supposant des surprises, 63 des 483 millions, soit 15%, sont dédiés à l’incertitude sur les coûts, bien que des forages aient déjà été effectués.
Le deuxième objet de ce PI est le déplacement du tracé d’une rue à la base aérienne d’Emmen, et cela pour 14 millions de francs. Aujourd’hui, cette route traverse en effet le périmètre de l’aérodrome, gênant les opérations. Cela suppose également certains risques, puisque la traversée est empêchée uniquement par des barrières, stoppant par la même occasion le trafic. Ainsi, la situation n’est actuellement optimale pour personne, raison pour laquelle un nouveau tracé le long de la frontière nord de la base aérienne a été imaginé. Ces travaux se tiendront entre 2025 et 2027.
La 4ème étape de l’extension et la rénovation de la place d’armes de Frauenfeld constitue le troisième élément du Programme immobilier 2024. Ce projet, qui comprend 5 phases, a pour objectif de centraliser des infrastructures se trouvant actuellement au centre-ville de Frauenfeld, mais aussi à Dübendorf, Bülach et Kloten et de libérer la place d’exercice de Rümlang. La dernière étape interviendra en 2029.
Cette avant-dernière phase a pour but d’ériger un nouveau bâtiment de cantonnement de 360 lits, ainsi que toutes les infrastructures dédiées, permettant d’accueillir deux compagnies. Cette construction se fera directement sur l’ancienne, permettant de conserver les fondations de cette dernière. La caserne bénéficiera également d’un nouveau bâtiment d’instruction comprenant salles de projection et de théorie, ainsi qu’un fitness avec vestiaire. Un autre bâtiment d’instruction sera partiellement rénové, notamment en remaniant son aménagement intérieur.
Les conscrits peu occupés durant leurs weekends seront ravis d’apprendre que le bâtiment de la garde sera également remplacé. Il intégrera la loge, des salles de repos et de séjours, des sanitaires et douze cellules d’arrêt. Contrôlant l’accès au périmètre de la caserne, ce bâtiment comprendra également un large couvert permettant de contrôler les véhicules en étant protégé des éléments. Le sous-sol de l’ancien bâtiment sera conservé. Enfin, les espaces extérieurs seront aménagés. Tous ces travaux se tiendront entre 2025 et 2028 et coûteront 93 millions de francs, réserve pour risque comprise.
Le dernier objet concerne quant à lui la première étape de la rénovation de la place d’armes de Bière. Cet emplacement est important pour l’armée suisse, tant par sa taille que les services qu’elle offre, puisque l’instruction de l’artillerie s’y déroule, de même que celle d’une partie des explorateurs et de l’infanterie, sans compter les différents cours de répétition qui s’y tiennent. Les cantonnements, les cuisines, l’infirmerie, les zones de stockage de la Base Logistique de l’armée (BLA) ainsi que les infrastructures de tir, tous vieillissants, doivent être rénovés. Tout cela sera effectué en trois étapes, sur dix ans. La première porte sur deux cantonnements dédiés aux cadres. Construit à la fin du XIXème siècle, ils servaient d’abord d’écurie avant d’être transformés dans les années 1970, époque depuis laquelle ils n’ont presque pas été remis en état… Étant classés, ces bâtiments abritant 300 lits seront entièrement rénovés, du toit aux façade, en passant par la statique et les sanitaires, tout en intégrant des locaux pour les femmes. Comme pour Frauenfeld, ces travaux se tiendront entre 2025 et 2028. Il en coûtera 46 millions, dont 10% de réserve pour les risques.
Enfin, les autres projets immobiliers comportent 40 millions pour les études de projets futurs, des aménagements, c’est-à-dire de petits chantiers et/ou des achats de bien immobiliers. Ce poste comprend la construction d’un parc énergétique à La Stadera (GR) permettant d’évaluer le potentiel du site pour la production d’énergie éolienne et photovoltaïque ainsi que la poursuite de la construction de stations de recharge pour véhicule électrique.
Les mesures de maintien de la valeur se montent à 130 millions de francs et visent à entretenir le parc immobilier existant, à le mettre en conformité, à procéder à des rénovations énergétiques ou à la pose de panneaux photovoltaïques, etc. Si un bâtiment ne peut pas être rénové, ou si cela coûte plus de 10 millions de francs, alors il fait l’objet d’un crédit d’engagement distinct, comme celui de Frauenfeld ou Bière. Ce poste concernera notamment les installations techniques et de chauffage de la place d’entraînement du Hellchöpfli et la rénovation d’une infrastructure de commandement non précisée. Soulignons que le poste « maintien de la valeur » a progressivement augmenté ces dernières années, de 80-90 millions en 2020-2021 à 130-135 millions cette année et en 2023. Si ces montants en augmentation permettent de plus nombreuses rénovations, il reste encore fort à faire pour rénover le parc immobilier de l’armée et diminuer ses coûts d’exploitation, notamment énergétique.